Quizz : que s’est-il passé le 3 juillet 1969 ? A cette innocente question, n’importe quel rocker un peu éduqué répondra : Brian Jones est mort, noyé dans sa piscine. La mort la plus conne, la plus ridicule qui soit : boire la tasse fatale dans une flaque de flotte, au pied d’un cottage Tudor paumé dans la cambrousse britannique alors qu’on est le sulfureux, l’iconique fondateur des Rolling Stones. Pour le coup, on aurait pu avoir le bon goût de décéder d’une overdose, comme le feront Hendrix, Morrison et Joplin.
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Icare moderne et spectre blond
Mais non, l’archange maudit du rock anglais a cassé sa pipe en faisant glouglou, ultime raté d’un prometteur parcours sacrifié sur l’autel d’un Swinging London finissant, entre came, baise et alcool. Une mort tellement débile qu’on a tenté de la magnifier : suicide, complot, malédiction … la main du Diable serait-elle passée par là ? On sait l’appétence du Grand Cornu pour le rock, c’est du moins le mythe sombre qui plane depuis le pacte de Robert Johnson. Rumeur, rumeur, on vend toujours mieux un album avec un pentagramme dessus.
En ce qui concerne Brian Jones, on oublie souvent qu’il fut un multi-instrumentiste de génie, un musicien inspiré, et celui qui bétonna le socle blues des Cailloux Roulants, boostant les débuts du groupe d’une main de fer. C’est ce qu’évoque le documentaire de Patrick Boudet La vie de Brian Jones. 52 minutes d’archives et de témoignages qui évoquent l’ascension et la chute de cet Icare moderne, que ses collègues Mick Jagger et Keith Richards vont progressivement éjecter du combo dont il était initialement le leader.
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Hommage édulcoré
En cause, son addiction à l’alcool et aux drogues bien évidemment, le chaos qui s’installe dans sa vie au fur et à mesure qu’il teste tous les psychotropes qui lui tombent sous la main, et puis Anita Pallenberg, son âme sœur, qui le plaque peu élégamment pour Richards à la faveur d’un séjour en France. Séparation vécue comme une trahison, on l’imagine bien, et qui poussera un peu plus un Brian Jones décati vers le trépas. Bref autant d’éléments qui contribuent à la décadence de la blonde idole … et à l’émergence de son spectre, initiateur malgré lui du fameux Club des 27.
Un spectre tenace qui pourrira plus ou moins la vie de ses anciens compagnons de scène, bien emmerdés par une disparition qui suivit de près le licenciement d’un Brian déjà très fragilisé. Faut-il jeter la pierre aux Stones survivants ? Le documentaire n’aborde pas cette délicate problématique, encore moins l’aura sombre d’un artiste tourmenté, un brin tyrannique pour ne pas dire sadique, surtout avec les dames, si l’on en croit Tony Sanchez, dealer du groupe, dans sa biographie. Bref, La vie de Brian Jones tient de la version édulcorée, du récit express pour néophyte.
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C’est très bien pour débuter, mais il ne faudra pas en rester là, et compléter vite fait bien fait le visionnage de ce documentaire avec d’autres sources d’info, pour avoir une vision plus juste des choses, et ne pas passer à côté de ce qui rend ce musicien si fascinant. C’est le moins qu’on puisse faire pour lui rendre vraiment hommage … et cerner en quoi ce Dorian Gray moderne fut le reflet dans sa tête et sa chair des mutations de son temps. Au point d’y laisser sa peau ?
Et plus si affinités
https://www.arte.tv/fr/videos/086904-000-A/la-vie-de-brian-jones/