C’est LE temps fort artistique du mois d’octobre depuis 1974. Mais cette année, Monsieur COVID est passé par là, perturbant fortement la procession internationale des foires d’art contemporain, FIAC en tête. Une FIAC qui n’a pas baissé pavillon, si l’on en croit cette FIAC Online Viewing Rooms débutée ce 4 mars pour finir le 7. Quatre jours d’édition numérique donc, avec un programme chargé et quelques opportunités à la clé.
Élan fédérateur
« 212 galeries issues de 28 pays » : les chiffres sont lâchés dans un clip d’annonce coloré et cadencé, preuve de la vitalité de l’événement dans un paysage culturel morose. La digitalisation ? Pas un problème. Du reste, la FIAC n’en est pas à son coup d’essai en la matière, dixit notre article consacré à la session 2014, qui avait proposé une plongée numérique à 360° dans les allées du salon.
Cette fois-ci, pas de manifestation en physique, il faut donc créer l’intérêt autrement, tout en conservant l’élan fédérateur propre à la FIAC, entre happenings, conférences, soutien des partenaires … Passons sur les conversation rooms et autres vidéos d’interviews, reportages … des prestations devenues incontournables dans ce genre d’événement équipé d’une chaîne Youtube active et régulièrement alimentée en contenus à haute valeur ajoutée.
Place de marché
Derrière cette machine, Artlogic, 26 ans d’expertise dans l’organisation d’events on line, la création/gestion de plateformes dédiées au marché de l’art (avec dans son portefeuilles clients une liste impressionnante de galeries connues aux quatre coins de la planète) … et la récolte/analyse de datas (eh oui, dans ce secteur aussi, l’avenir est à la collecte de données). Bref le grand jeu pour permettre à la Fiac Online de jouer son rôle initial : celui de place de marché.
En effet, c’est sa fonction première que de propulser la vente d’œuvres, avec des chiffres d’affaire tout à fait honorables, pour ne pas dire étourdissants : pour l’édition 2018, « 134 millions de dollars, l’équivalent de 17% du marché français sur 3 jours » selon le site Tajan; autant dire qu’être présent sur site, c’est un excellent sésame pour une galerie d’art émergente, une obligation marketing pour une confirmée.
Collectionneurs nouvelle génération
Cette année, le site sera virtuel, et c’est justement l’intérêt … surtout pour un néophyte. FIAC Online Viewing Rooms s’apparente à un gigantesque catalogue avec différents points d’entrée. Le visiteur peut organiser sa recherche selon les galeries, les pays, les artistes … mais aussi le style, la technique, les dimensions, l’année de création … ou le prix. Et ça, c’est assez inédit. Si les collectionneurs sont au faite des tarifs du marché, les visiteurs lambda n’en ont aucune idée.
Et n’osent pas demander aux galeristes présents durant la FIAC, galeristes du reste trop occupés à boucler leur chiffre d’affaire et à bichonner leurs clientèles pour répondre en détail aux questions du vulgus pecus qui ne peut se payer pareilles créations. A moins que cette édition 2021 digitalisée ne le sonne l’heure du changement, l’ouverture du marché à d’autres profils d’acheteurs, une nouvelle génération de collectionneurs.
Digitalisation = marché en mutation ?
L’event se démocratiserait-il ? Non pas au niveau des visites, on sait son aura, et sa volonté pédagogique auprès d’un public de plus en plus demandeur. Non, ici nous parlons de mutation du marché. En l’état, cette édition présente deux avantages de par son format digital:
- elle permet à des galeries moins bien dotées de transparaître sur un événement d’envergure planétaire sans avoir à débourser la location d’un stand en physique, son installation, le transport des œuvres à exposer …
- c’est l’occasion pour des primo-collectionneurs de sauter le pas, en misant sur des œuvres à prix tout à fait raisonnables, par exemple les céramiques de la série Bouchonchat d’Alain Séchas vendues … 41€ pièce par la galerie parisienne We do not work alone.
Il suffit de fouiller, de prendre son temps, de comparer, en plaçant les œuvres qu’on a repérées en favoris. Et pour ceux qui hésitent, il y a la sélection explicitée des cinq spécialistes que sont Jean de Loisy, Directeur de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Bernard Blistène, directeur du Musée National d’art moderne du centre Pompidou, Emma lavigne, présidente du Palais de Tokyo, Saim Dermican et X Zhu-Nowell, prestigieux commissaires d’exposition new-yorkais.
Récapitulons : certes FIAC Online Viewing Rooms 2021 s’intègre dans une stratégie de persistance, histoire d’occuper les esprits et de remobiliser les habitués en attendant un retour au présentiel, claironné dés à présent pour octobre. Mais c’est aussi l’occasion pour les néophytes de découvrir cet univers, et éventuellement d’y investir, à hauteur de budgets pas forcément pharaoniques. La chose est notable, et l’un des effets paradoxaux mais finalement heureux de cette pandémie que de rouvrir l’art à tous.
Et plus si affinités