Qu’est-ce qui fait qu’on devient une idole ? Une figure incontournable, emblématique, d’une culture, d’un esprit, d’une époque ? La problématique sert de fil directeur au film Cloclo.
Une star, deux visages
Sorti en 2012 après 13 ans d’attente (Podium de Yann Moix est passé par là entre temps), le biopic signé Florent Emilio Siri décortique la vie de Claude François pour saisir cette étincelle d’exception. Et les ombres qui la teintent irrémédiablement. Car pour être vedette, Cloclo n’en fut pas moins homme, et largement torturé avec ça. Comment alors faire la part des choses, si c’est seulement possible, entre l’humain rongé d’ambitions, de doutes et de fantasmes, et l’artiste solaire, visionnaire et initiateur ? Une question toujours d’actualité, au centre même des grandes secousses idéologiques de notre temps.
Très subtilement, le réalisateur fait état des deux visages de ce Janus Bifrons sans jamais encenser l’un ou critiquer l’autre. Il s’agit d’alterner, voire de superposer :
- le côté séduisant et avant-gardiste d’un chanteur surdoué, inspiré par Sinatra, passionné de soul et de disco, excellent musicien, créatif en diable à l’unisson des attentes d’un public frénétique
- la face plus sombre d’un personnage rongé par un perfectionnisme maniaque comme par un féroce besoin de reconnaissance, Don Juan adepte des très jeunes filles, amant insupportable, ego tourmenté et tyran domestique …
Anecdotes véridiques et destin tragique
Le tout est assorti d’épisodes et d’anecdotes véridiques, confiées par des proches, dont les fils du chanteur, relaté sur un rythme de clip vidéo (le premier champ d’expertise de Siri), servi par la prestation bluffante d’un Jérémie Renier qui mit cinq mois à préparer son rôle à grand renfort de coaching musical, vocal, physique …). Ajoutons une focale sur une industrie musicale que Claude François a largement contribué à transformer à coup de fulgurances marketing toujours justes bien que parfois très coûteuses. Et un regard pointu sur la relation presque ésotérique existant entre la vedette et ses fans.
Relation sublimée par une mort aussi stupide que prématurée, conséquence irrémédiable d’un perfectionnisme irrépressible. Le destin ? Décédé à 39 ans dans la fleur de l’âge, à l’apogée d’une carrière qui promettait encore bien des surprises, Cloclo pénètre soudain dans le club très fermé et d’autant plus fascinant des artistes maudits. Le film va clairement dans ce sens, en jouant la carte d’une transparence aussi captivante que gênante. Après la vague #metoo et les scandales qu’elle a mis en lumière, on regarde les dérives de la star d’un œil plus polémique.
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Sans jamais pouvoir oublier qu’il a dynamisé l’univers sclérosé des variétés, complètement refaçonné le visage de la pop française, influencé d’autres grands chanteurs à l’internationale. Porte-parole de la culture populaire française, star adulée jusque dans l’au-delà, mythe artistique et défricheur de tendances, caractère ingérable, tyran domestique, le film Cloclo propose une synthèse très réussie de cette figure magnétique, à mettre en parallèle avec le biopic dédié à la carrière de Dalida.