Août 2021 : ainsi l’Afghanistan vient de retomber aux mains des Talibans. Et les reportages de s’enchaîner en une des médias pour raconter la prise de Kaboul, l’hystérie panique de la foule, suivre par ailleurs l’avancée des intégristes, mettre en évidence leur reprise en main du pays. Question larvée : comment a-t-on pu en arriver là ? Pour trouver des éléments de réponse, il faut prendre du recul et envisager l’histoire de ce pays réputé être le cimetière des empires. Ce que le documentaire Afghanistan, pays meurtri par la guerre fait de manière remarquable et nécessaire.
Un pays en plein développement
Séquencé en quatre épisodes, le récit de Mayte Carrasco et Marcel Mettelsiefen nous ramène dans les années 60 pour évoquer un pays en plein développement sous la férule d’un roi en quête de modernisation. Ramassé sur lui-même, l’Afghanistan s’ouvre alors au tourisme, devient un point clé de la Hippie Trail, s’occidentalise au passage. Symboles de ce futur radieux, les femmes y ont droit de cité, peuvent étudier, travailler, porter des mini-jupes, fumer, danser … dans les villes et les élites urbaines. Les campagnes, grandes oubliées du mouvement, figées dans la misère et des croyances d’un autre âge, regardent la chose d’un œil désapprobateur.
Une population abandonnée
La Guerre Froide s’en mêle, le pays, déjà éclaté entre différentes ethnies, se scinde un peu plus entre privilégiés, communistes et intégristes musulmans. De coup d’état en coup d’état, la situation se durcit, le dialogue s’étiole (s’il a jamais existé), les grandes puissances s’infiltrent dans la querelle, USA contre URSS, chacun défendant ses valeurs, ses intérêts. Armés par ces superpuissances rivales, les chefs de guerre se déchirent, avec entre eux une population abandonnée à la folie ambiante, meurtrie, en totale perte de repères. Les talibans fleuriront sur ce chaos avec pour objectif d’instaurer la Charia, de faire périr les athées, de faire fuir les soviétiques qui ont envahi ce pays qui deviendra leur « Vietnam ».
Des positions irréconciliables
Au fil des ans, émerge un espace de lutte contre les Infidèles, de formation pour croyants en mal de djihad, d’organisation d’attaques terroristes meurtrières. Témoignages et archives confrontent les points de vue de membres des différentes factions en place sur cet échiquier hautement implosif. Sans parti pris, le documentaire donne à voir des positions irréconciliables qu’on impose par la force des armes, le poids de la corruption, le fanatisme des idéaux, la terreur des méthodes. Ce qui laisse peu de place au positionnement démocratique, tout en déstabilisant profondément les puissances occidentales qui tentent de modifier la donne.
Une configuration dangereuse
Question : que vont devenir les intervenants de ce documentaire à l’heure où les talibans expurgent la société afghane, femmes, artistes, intellectuels, opposants et journalistes en tête ? Et nous, qu’allons-nous devenir quand on sait combien ce pays pèse dans la gestion du terrorisme islamique international ? L’exfiltration des personnels occidentaux, après le départ des soviétiques, confirme le caractère ingérable d’un pays voué aux tourments d’attirances contradictoires. Afghanistan, pays meurtri par la guerrerappelle, le danger singulier que constitue cette configuration, évoquée par le commandant Massoud quelques temps avant son assassinat. Personne n’avait voulu l’entendre. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ?
Et plus si affinités
Le documentaire Afghanistan, pays meurtri par la guerre est actuellement disponible sur ARTE.