À quelque chose, malheur est bon. En nous claquemurant loin des salles de concert bondées où on se bourre la gueule en pelotant la copine avec sono crado et visibilité de taupe à la clé, Dame Pandémie, Covid de son prénom, nous a, c’est un comble, réappris à écouter la musique. Au calme, chez soi, histoire de décortiquer les sons, de séquencer les compos, de distinguer les nuances mélodiques, d’apprécier les cadences, une bière ou une tasse de thé à la main, selon les goûts. Cela a son charme, surtout quand on explore l’univers de Dragon Rapide.
Power trio from Clermont-Ferrand
Dragon Rapide donc, power trio from Clermont-Ferrand arborant le nom d’un avion britannique d’avant-guerre et dont je découvre le nouvel album Mumbo Jumbo dans les tiroirs de nos camarades de jeu d’Atypeek Music. J’ignorais tout de ces messieurs qui opèrent pourtant depuis 2015 avec une régularité de métronome, si l’on en juge par la chronologie discographique accrochée au fronton de leur page Bandcamp. Fidèle à ma réputation d’emmerdeuse, je commence par la fin qui est en fait le début… et me prend « Spinning Top » en plein dans les tympans.
Coup de foudre donc, pour l’amoureuse de grunge et de brit pop que je suis, avec en prime un crush pour The Pixies qui ne s’est jamais effrité depuis mes 15 ans. J’en ai 35 de plus au compteur, mais mon pauvre coeur a fait boum en accrochant sur les drums introduisant ce petit bijou chargé de dynamite. Back to mon adolescence, aïe, mais pas trop parce que ça fait toujours du bien de retourner à la maison, même si ces trois mecs ont changé les meubles, repeint les murs, refait la tuyauterie et la toiture. Avec beaucoup de goût, dirait-on.
Une traîne d’excellents singles
Bon, j’en suis au premier morceau… et je me prends le second, « Sucker Punch » dans la tronche, qui confirme la qualité du cocktail, avec des grattes pétant le feu en mode The Breeders ou Veruca Salt. Je remonte le fil d’EP conçus comme des 45 tours, dont les deux faces propulsent des tracks fignolées avec amour et une solide ligne de basse. Là aussi, big beigne dans ta face, Padmé, retour en enfance, quand j’allais acheter mes disques sur les Champs-Elysées chez Champs Disques, des petites galettes que Papa payait avant de m’emmener au cinéma.
Ne jamais négliger la puissance de la face B, dixit la magistrale compilation The Masterplan rassemblant les morceaux secondaires d’Oasis. Des compos souvent plus parlantes que les singles amarrés à un box office trompeur : la qualité est toujours histoire de discrétion. Chez Dragon Rapide, elle irradie dès les premiers instants, dans cette traîne d’excellents singles, autant de tours de chauffe rassemblés dans un premier LP intitulé See the big picture en 2018, qui enclenche un second cycle de singles aboutissant à Mumbo Jumbo.
Le rock est affaire de dosage
On s’extasie souvent devant un premier album, mais on juge de la solidité et de la longévité d’un groupe sur le second. Force est de constater que Dragon Rapide a de la créativité en réserve et un style parfaitement maîtrisé. Le rock est affaire de dosage : ici, le cocktail implique une rythmique très étudiée, dont les arcanes émergent sur les accroches de « Ugly face », « Soul doctors », « Something new ». On appréciera par ailleurs le positionnement des voix, qui apporte un son très chaud, très éclatant.
Le tout décline une lecture solaire, détachée, réconciliée, épanouie, du grunge, associée à une texture un brin 60’s, quelque chose de l’innocence du surf rock rehaussée de l’esprit brit pop des 90’s, des accents dignes de The Smiths à certaines entournures, de Blur ou Johnny Marr sur d’autres accords. L’accélération finale de « Bummed » résume à elle seule cette éclate totale. Les nouveaux morceaux sont à l’encan, confirmant la force de frappe de ce dragon aussi agile que rapide, qui sait se renouveler sans trahir son ADN. En attendant la suite qui viendra forcément.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur Dragon Rapide, explorez le site et le compte Facebook du groupe. Surtout épluchez son Bandcamp.