On connaît l’attrait de Steven Soderbergh pour les intrigues alambiquées sondant la psyché humaine. Avec Effets secondaires, Side effects dans la langue de Shakespeare, le réalisateur de Contagion, Traffic et The Laundromat déroule un film à suspens d’une rare intensité, qui interroge l’usage des antidépresseurs et autres anxiolytiques avec une acuité inattendue.
Trompeuses apparences
Emily est dépressive, suicidaire même. Mariée à un financier incarcéré pour délit d’initié, elle a tout perdu, même l’enfant qu’elle portait. Quand enfin son époux sort de prison, elle s’effondre. Son psychiatre, Jonathan Banks, lui prescrit un nouveau médicament qui semble la soulager… jusqu’au jour où elle tue son mari durant une crise de somnambulisme, visiblement déclenchée par le traitement, qui peut enclencher ce type d’effets secondaires.
Est-elle responsable ? Est-ce son médecin qui a fauté ? Qui accuser, qui condamner ? Banks, progressivement pointé du doigt, tente de comprendre ce qui s’est réellement passé, avant de tout perdre lui aussi, car les rumeurs vont vite : on commence à le taxer d’incompétence, pire, de manipulation. Et si les apparences étaient trompeuses ? Et si Emily n’était pas la victime qu’elle prétend être ?
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Thriller de haute volée
Construit en trois parties, le scénario de Scott Z.Burns (déjà à l’œuvre sur Contagion) déroule une intrigue étouffante, qui pose des questions morales très pertinentes, sur l’usage des psychotropes et leurs retombées potentielles, sur la collusion entre médecins et laboratoires pharmaceutiques, sur la manière dont ce système peut être utilisé, manipulé, perverti même, à la faveur d’esprits machiavéliques.
Remarquablement interprétés par Jude Law, Rooney Mara et Catherine Zeta-Jones, les personnages principaux de ce thriller de haute volée se livrent à une passe d’arme d’une incroyable finesse, dont les rebondissements nous sautent au visage alors que depuis le premier instant du film, Soderberg a parsemé des indices infimes qui permettent une lecture autre de l’histoire. Nous sommes ici clairement sur un récit du niveau de Gone Girl, La Défense Lincoln ou La Faille.
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Une mécanique parfaitement huilée
Soderbergh, comme à son habitude, met en place une atmosphère oppressante, doublée d’une énergie narrative qui nous emporte dans la quête de Banks. Le réalisme est très poussé, le film est tourné à New-York, dans des établissements psychiatriques. Pas de longueur, pas de pauses, tout s’enchaîne comme une mécanique parfaitement huilée, jusqu’au petit grain de sable qui va faire basculer l’ensemble.
Le réalisateur ne peut cependant s’empêcher de nous faire réfléchir à la société qui nous entoure. Il l’a fait dans Erin Brochovich, dans Contagion, avec beaucoup d’acuité ; ici, de nouveau, il questionne l’usage banalisé de médicaments pourtant dangereux. Le film date de 2013, au même moment, les USA commencent à ressentir les retombées catastrophiques de la crise des opioïdes, dont l’usage a été généralisé dans les années 90 avec les effets désastreux que l’on sait.
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Soderbergh a donc vu juste, une fois de plus. Ce qui donne à ce film en particulier et son cinéma en général, une saveur amère supplémentaire, une pointe d’ironie un peu triste face à un monde d’une rudesse incroyable.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner le film Effets secondaires en DVD ou en VoD.