Ils n’existeraient pas, il aurait fallu les inventer : assassins, incestueux, manipulateurs, dépensiers, orgiaques, la vie des Borgia dépasse de loin les rêves les plus fous des scénaristes adeptes de period dramas à rebondissements, avec leur pesant de scènes de fesse et de meurtres. Rien d’étonnant à ce que deux séries tournées dans les années 2010 leur rendent un hommage un peu trop clinquant pour être pleinement réaliste. Étonnamment,Les Borgia ou le sang doré, diffusé en 1977 sur France2, est bien plus crédible.
Méthodes de mafieux
Le téléfilm en trois parties réalisé par Alain Dhénaut se concentre sur la passion amoureuse partagée depuis l’enfance par César et Lucrèce, deux des enfants de Rodrigo Borgia, futur pape Alexandre VI et l’un des éléments moteurs de la Renaissance italienne. Nous sommes au terme du XVeme siècle dans une Italie morcelée en différents états, principautés, duchés qui se font la guerre, avec en prime les vues rivales de l’Espagne et de la France sur Naples. Famille espagnole en quête de pouvoir, les Borgia vont tout faire pour dominer cette poudrière et en tirer parti.
C’est ce que raconte le scénario écrit à quatre mains par Jacques Quoirez et une certaine Françoise Sagan, , scénario qui évoque aussi bien les épisodes sanglants de cette montée au faîte du pouvoir que les alliances de pouvoir, les unions, les amours, les rencontres avec les artistes et la chute de ce clan aux méthodes de mafieux, où on n’hésite pas à poignarder frère et beau-frère pour gagner sa place au soleil, où empoisonner les cardinaux pour vendre les charges laissées vacantes afin de renflouer les coffres est une solution marketing comme une autre.
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Respecter l’Histoire
Tromper l’allié d’hier, mentir, massacrer, s’aimer à la folie, s’oublier devant les dessins de Léonard de Vinci, les fresques de Michel-Ange, le tout dans des décors somptueux, des costumes de toute beauté, avec une infinité de références picturales, d’allusions aux chefs-d’œuvre des peintres de l’époque. Le récit de Dhénaut respecte l’Histoire jusque dans les parures, les coiffures, la musique, les danses, à la manière d’un Zeffirelli.
Et pour incarner les deux mâles de ce trio inflexible, deux acteurs d’une rare puissance :
- Jean-Claude Bouillon échappé d’une autre série mythique, Les Brigades du Tigre afin de prêter la clarté inflexible de son bleu regard au personnage du redoutable César ;
- Julien Guiomar, Rodrigo dépassé par les écarts de sa descendance, pape retors qui tient ses états d’une main de fer, s’adonnant aux plaisirs de la chair avec autant de liberté qu’il mécène les grands esprits de son temps.
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Une famille d’exception
Un mot sur Maureen Kerwin enfin, Lucrèce radieuse et adulte, précieuse avant l’heure, protectrice des arts, tout à fait à l’aise dans sa relation incestueuse avec son frère adoré. Son interprétation marque les esprits, le rôle de Lucrèce étant habituellement confié à des actrices adolescentes censées transcrire l’ingénuité d’un personnage angélique soumis aux desiderata des membres masculins de la meute. Le scénario évacue cette option, pour présenter une jeune femme elle aussi en quête de puissance, servant la gloire de sa famille autant que sa propre destinée.
L’ensemble est d’une très grande justesse et fidèle au fil des événements, même si certains sont omis, il suffit de lire la remarquable biographie de Ivan Cloulas pour s’en convaincre. Les Borgia ou le sang doré possède un autre avantage, il rend justice à l’impact artistique de cette famille d’exception, qui permis à l’Humanisme d’ouvrir ses ailes pour transformer le monde et l’emporter vers l’avenir. Sans eux, il n’y aurait pas eu tous ces progrès. Il convient de le rappeler … et de se remémorer que la télévision française, un temps mit à l’honneur des productions d’une pareille qualité.
Et plus si affinités
N’hésitez pas à visionner la série Les Borgia ou le sang doré en VoD ou en DVD.