Ses fans le savent : Jean-Christophe Grangé a un penchant très net pour les crimes à la barbarie étudiée, les psychopathes obsédés par la pureté du sang et la vengeance des dieux, les enquêteurs névrosés aux méthodes brutales. Avec le roman Les Promises, son univers trouve un écrin à sa juste démesure : le IIIeme Reich où les monstres du nazisme abondent pour s’entre-dévorer joyeusement sur fond de conflit mondial meurtrier.
Gestapo vs tueur en série
Les Promises donc : de belles et riches aryennes, mariées à des pontes du nazisme, dont la blondeur angélique illumine les salons des hauts lieux berlinois. Un club très fermé où un mystérieux tueur en série puise son lot de victimes, assassinées de la pire des manières sur les bords de la Sprée, dans la périphérie de Berlin. Devant les échecs répétés de la police, le gouvernement confie l’enquête aux services d’Himmler. C’est le gestapiste Franz Beewen qui hérite de cet épineux dossier. Bien conscient de manipuler une bombe à retardement qui pourrait bien l’envoyer ad patres, cet ancien SA aux méthodes expéditives, va s’acoquiner avec deux psychiatres, le très séduisant et manipulateur Simon Kraus, très introduit parmi les victimes qu’il psychanalysait quand il ne couchait pas avec, la jeune et passablement alcoolique baronne Mina von Hassel, directrice de l’asile où croupit le père de Beewen.
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Une démence destructrice étatisée
Un trio improbable pour ne pas dire incongru, obligé de coopérer au vu des circonstances, pour traquer ce serial killer qui sacrifie à tour de bras les belles aryennes proches d’Hitler. Seulement voilà : nous sommes dans un polar de Grangé ; forcément, les choses ne sont pas si simples, les victimes pas si innocentes, les assassins pas si bestiaux. Surtout dans un pays tenu d’une main de fer par un régime tyrannique, belliqueux et sans scrupule, où opposants politiques, intellectuels, artistes, handicapés, juifs, homosexuels, tziganes font l’objet d’une chasse à l’homme de plus en plus sauvage, avec déportation, torture et meurtre au terme du chemin. Chaque chapitre permet à l’auteur d’explorer les différentes occurrences de cette démence destructrice étatisée, érigée en valeur cardinale, encouragée, récompensée.
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L’abjection de la pureté raciale
En filigrane, une question : comment le nazisme a-t-il su réveiller le monstre qui sommeille en chacun de nous ? Par quels mécanismes ? Comment cette idéologie a-t-elle réussi à se développer dans toute son atrocité sans susciter de rejet ? Comment le mal peut-il à ce point se banaliser ? Pas de réponse précise, juste des exemples, des circonstances. Comme toujours, Grangé orchestre les situations délirantes, trouve les mots qui heurtent au plus juste, les comportements qui déconcertent, dérangent, questionnent. Ses trois héros, confrontés à la folie de la pureté raciale dans ce qu’elle a de plus abject, nous secouent par leur prise de conscience. Ils illustrent jusqu’à la dernière ligne de cette intrigue superbe et épouvantable à la fois, la force très sartrienne du choix, comme liberté absolue. Choisir de suivre aveuglément ; choisir de dire non.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus, consultez le site de l’éditeur Albin Michel.