Il date de 2019, mais demeure d’une actualité brûlante : le livre Start-up Nation – Overdose bullshit affiche la couleur en un titre rentre-dedans qu’il ne faut pas prendre à la légère, en dépit du style plein de verve de son auteur. Car en 112 pages ultra-argumentées, illustrées d’exemples et de chiffres, Arthur de Grave nous explique en quoi la start-up nation est une véritable hérésie doublée d’une escroquerie intellectuelle.
« Fake it until you make it »
Tout commence bien sûr par la définition de ce qu’est une start-up et déjà là on hésite entre se rouler de rire et partir en courant se réfugier dans un fjord. Puis, l’auteur évoque, toujours avec son humour grinçant, comment fonctionne ce pur produit de la tech economy, ce que cela représente réellement au niveau humain et social, plus spécifiquement aux USA, où le concept a vu le jour, au fond d’anonymes garages avant d’investir San Francisco et la Silicon Valley, faisant exploser le prix de l’immobilier au passage et le taux de précarité en prime.
À ce stade, l’idée commence à prendre l’eau tout comme cette conviction que humble start-up au matin devient triomphante licorne au crépuscule. « Fake it until you make it » : en gros, les start-up ne vendent pas un produit, mais son idée, sa projection. Bref du vent, suffisamment convaincant et innovant pour multiplier les collectes de fonds auprès de business angels en quête du SUPER projet à scale-uper fissa pour se remplir les poches. Ah oui, précisons-le, il existe un langage start-up que l’auteur détaille avec finesse et ironie, tous comme les us et coutumes de cet univers à part.
TechTrash : la newsletter bête et méchante qui déboulonne la start-up nation !
Une assimilation aussi risible que dangereuse
Un univers qu’on nous vend comme la panacée à tous nos maux économiques, sauf que voilà, en réalité, et comme en témoignent les statistiques, la start-up est un sport de mâle blanc et riche, issu de la bourgeoisie américaine pleine de thune. Des gars éduqués dans cet esprit de winner parce qu’ils ont les moyens, le réseau. Donc s’ils se plantent, pas grave, en tout cas beaucoup moins grave que pour nous autres, pauvres ploucs d’autoentrepreneurs ramant afin d’obtenir cette insulte financière qu’est l’ACRE quand on veut bien nous la filer. Bref assimiler le développement d’un pays avec le devenir d’une start-up, c’est non seulement risible, mais aussi et surtout dangereux.
Je n’en dirai pas plus, ces pages parlent d’elles-mêmes et Arthur de grave sait y faire pour dévoiler la périlleuse forêt qui se cache derrière cet arbrisseau. L’objectif de la start-up nation ne serait-il pas au final de nous amener à changer de logique, de normaliser cette précarité, et d’accélérer la casse de notre système de protection sociale pour embrasser la gloire fumeuse d’un entrepreneuriat dont on oublie qu’il est aussi un risque permanent ? Start-up Nation – Overdose bullshit rappelle par ailleurs qu’au pays de l’oncle Sam, la start-up n’est plus en odeur de sainteté, loin s’en faut. À méditer au moment où tous, au gré de la grande démission, se lancent en solo ?
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur le livreStart-up Nation – Overdose bullshit, consultez le site de l’éditeur Rue de l’échiquier.