Oui, je sais, on vous parle beaucoup de Feydeau. Que voulez-vous ? Le regard acerbe que porte le vaudevilliste sur ses contemporains nous fait hurler de rire, ce qui n’est pas un luxe par les temps qui courent. Du coup, c’est en toute innocence et avec un gros besoin de rigolade que nous avons visionné On purge bébé sur la plateforme de nos petits camarades d’Opsis. Et là, grosse surprise au rendez-vous avec une lecture freudienne bien décapante et pas si farfelue que ça.
On purge bébé: du Feydeau pur jus
On purge bébé, donc, pièce en un acte où Feydeau met une fois de plus en scène une dispute de couple qui dégénère. Objet du fight : Bébé, aka Toto, aka Hervé. Constipé, le fils des Folavoine, du haut de ses sept ans, refuse de prendre la purge qui délivrera ses entrailles. Paniquée, sa mère, Julie, déboule en robe de chambre et bigoudis, son seau de toilette à la main, dans le bureau de son époux, Bastien, négociant en porcelaine incassable. À partir de là, c’est le chaos ! C’est que Bastien attend la visite d’un potentiel client, Mr Chouilloux, qui officie au Ministère des Armées. Objectif du rendez-vous : équiper les soldats français en ports de chambre ! Un gros contrat en vue que Julie et son sale môme vont faire capoter de belle façon !
Du Feydeau pur jus, dont nous avions apprécié la version télévisée réalisée par Marcel Bluwal en 1961 avec Jacqueline Maillan, Jean Poiret, Michel Serrault, Pierre Tchernia et Françoise Dorin. Un casting explosif qui délivrait une lecture ultra-dynamique et fichtrement cocasse de ce texte absolument délicieux, où les jeux de mots et les gags s’enchaînent avec une régularité de métronome. Fous rires garantis donc, avec en prime la satire sans pitié d’une bourgeoisie pas si propre sur elle, que seul l’auteur de La dame de chez Maxim et Le fil à la patte était capable de trousser sans tomber dans l’inconvenance et le ridicule absolus. Changement radical de ton avec la lecture beaucoup plus moderne de Frédéric Jessua.
On purge bébé: une tragédie du couple
Ce dernier prend possession des planches du théâtre du Lucernaire pour dérouler ce qui se révèle une tragédie du couple : une mère manipulatrice autant qu’hystérique, virago compulsive et fouteuse de merde, à l’hygiène douteuse, irrespectueuse du business de son mari qu’elle va pulvériser sans pitié, en profitant au passage pour lui rappeler combien il est un zéro pointé doublé d’un sale type préférant faire du fric plutôt que de protéger épouse et descendance. Quant à la descendance, elle incarne l’archétype de l’enfant tyran, gâté, pourri, rendu idiot et infect par l’adulation d’une mère aux accents incestueux. Un voyou en devenir, qui se croit tout permis. Le père dans tout ça ? Évincé, écarté, fuyant devant cet amour dont il est exclus.
Freudien, non ? Ou quand la satire sociale accouche d’un monstre œdipien au son du langoureux « Comme un boomerang » de Daho et Dani. Pour tout dire, cette approche nous a surpris, agréablement. Les mises en scène modernes de Feydeau ont un peu tendance à jouer la caricature, le grotesque, à appuyer le trait de manière clownesque. Pour le coup, Jessua propose une version contemporaine tout à fait plausible, portée par les acteurs de la compagnie Siparka qui manient l’ambiguïté avec un rare talent : Isabelle Jeanbrau, Etienne Coquereau, Julia Mével, Nicolas Struve … Pas une fausse note dans cette partition implosive où la psyché de chacun se révèle dans la déflagration d’une cellule familiale visiblement pourrie depuis longtemps, à moins que cette perversité ne soit le ciment relationnel d’un couple déviant ?
Et plus si affinités
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