«Apparentée au mouvement de la Post-photographie, elle produit des œuvres transversales qui hybrident peintures et photographies, art ancien et art contemporain, figuration et abstraction». Ok, mais concrètement, qu’est-ce qui fait le charme des œuvres de Sabine Pigalle ? Son attirance pour le portrait ? Sa tendance à déformer les œuvres qu’elle investit ? Son sens de l’anamorphose numérique ? Sa manière d’interroger ce que la photographie est en train de devenir à l’heure du digital tout-puissant ?
Rappeler l’universalité des affects humains
En superposant tableaux préexistants et visages contemporains, en dépeçant et retissant les clichés, en usant du médaillon comme de la mosaïque, cette littéraire convertie à la photographie, notamment sous la férule d’un certain Helmut Newton, gomme les limites séculaires du réel et de la fiction pour rappeler l’universalité des affects humains, le lien invisible, mais fort qui rattache les mouvements artistiques, la créativité intemporelle.
Son œuvre déjà très riche, en témoigne un site web particulièrement documenté et une longue liste d’expositions, donne à voir des tableaux de maîtres où des flamants roses viennent taquiner les marquises du XVIIIeme siècle, où les personnages du passé arborent des chapeaux de fête. Les fraises avalent les visages tandis que les regards louchent. A moins que de mâles moustaches ne se greffent sur les décolletés généreux des belles victoriennes ?
Irrévérencieuse ou particulièrement pertinente ?
Espiègle, Sabine Pigalle transgresse avec beaucoup d’humour, d’inventivité et de poésie la réalité de grands chefs-d’œuvre, comme pour dire qu’aujourd’hui tout est permis, mais qu’il ne faut pas en profiter. Les triptyques du temps jadis glitchent la jeune fille à la perle de Vermeer, l’épouse Arnolfini arbore un visage pixelisé, les héroïnes orientalistes sont transparentes… c’est l’Histoire de l’art qui se reconfigure sous nos yeux.
Irrévérencieuse, sacrilège ou particulièrement pertinente ? En détournant ces œuvres, Sabine Pigalle les exfiltre des musées et des manuels où elles reposent bien trop sagement pour interpeler un public abêti d’images trafiquées à longueur de scroll et de swipe. En manipulant ces images, elle les disrupte pour mieux nous ramener à leur sens premier : représenter l’humain en lien avec un milieu, une culture, une époque. Mais au final, cet humain, n’est-ce pas nous ?
Et plus si affinités
Pour en savoir plus, visitez le site de Sabine Pigalle et la page que lui consacre la galerie Ouizeman.