Humour, kitsch et queer assumé dans le premier solo-portrait d’Arthur Perole. Le chorégraphe détonne avec ces Corps vivants et signe une œuvre d’une sincérité désarmante.
La lente construction d’un être
C’est une première pour Arthur Perole. Après avoir signé quatre pièces de groupe (Stimmlos, 2014 ; Scarlett, 2015 ; Rock’n Chair, 2017 et Ballroom, 2019) qui questionnaient le collectif et les relations d’interdépendance, voilà le chorégraphe seul sur scène, programmé dans le temps fort Jeunes Créateurs du Théâtre de la Ville (jeune créateur ?… après 10 ans d’activité ?!!). Sur un podium de 4 m2, au plus proche des spectateurs qui l’entourent, assis sur de petites estrades en bois, Arthur met en scène sa propre intimité, interrogeant par la même sa construction identitaire et son rapport à autrui.
Comme un hommage à ces questions, atermoiements et travestissements qui composent la lente construction d’un être au fil des ans (essentiellement pendant l’enfance et l’adolescence), Nos corps vivants, au fil du dévoilement du chorégraphe, décortique les mille et une facettes de sa personnalité. Personnalité qui se révèle kaléidoscopique et laisse entre-apercevoir le bad boy, le séducteur, la « dinde », la diva, l’angoissé… Sous le regard du public, Arthur déroule une intense partition gestuelle compulsive où brève posture du Faune, chute au sol voguing, bras à la Matt Mattox s’enchaînent aussi vélocement que la bande-son combine témoignages (de Marguerite Duras, d’adolescents…) avec musique classique, électro ou encore métal.
Un cabaret aussi intime que minimaliste
De cette bande-son, l’interprète se délecte jusqu’à la transe puis un glissement s’opère : aux lentes ondulations extatiques succèdent des mouvements amples, mais contraints, des adresses au public, souvent grotesques. Avec ses œillades et minauderies, le chorégraphe se révèle particulièrement drôle dans ses tentatives de séduction. Échappé de son podium, il délivre un Message personnel de Françoise Hardy d’anthologie avant de se parer de tous les atours kitsch d’une diva faisant ses adieux (qui n’en finissent pas). In fine, en 45 minutes, ce zébulon débordé par ses émotions réussit ce tour de force de vous embarquer dans un cabaret aussi intime que minimaliste.
Il offre une expérience singulière au spectateur en se dévoilant comme jamais, soutenu au plateau par le trio Marcos Vivaldi (musicien), Benoit Martin (son) et Nicolas Galland (lumière). On sent déjà que ces Corps vivants amorcent un tournant dans l’œuvre du chorégraphe, tournant, mais aussi fin prolongement des précédentes pièces qui posaient déjà ces questions : Qu’est-ce qui nous définit en tant qu’humain ? Qu’est-ce qui nous relie l’un à l’autre ? Quel est le rôle de l’autre dans notre construction ? On a alors hâte de découvrir la suite. Elle est annoncée pour 2023 avec le trio Nos tendres carcasses.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur les créations d’Arthur Perole ainsi que sur ses prochaines dates, n’hésitez pas à consulter le site de la CieF.