D’ordinaire, en grands amateurs de vaudevilles que nous sommes, nous vous bassinons avec Feydeau, un peu moins avec Labiche, rarement avec Courteline (il conviendrait d’y remédier). Sacha Guitry ? Il va sérieusement falloir qu’on s’y attelle. En attendant, c’est sur Louis Verneuil que nous attirons aujourd’hui votre attention, plus spécifiquement sur une délicieuse petite comédie intitulée Le traité d’Auteuil.
Se marier pour divorcer
L’intrigue ? Amoureuse bien sûr. D’un côté, André, jeune débauché issu de la haute bourgeoisie et que ses parents désespèrent d’assagir un jour, de l’autre, Jeanne, jeune fille délurée, qu’un grand-père bien trop laxiste n’a pas réussi à éduquer en future épouse discrète et obéissante. Pourquoi ne pas les marier afin que ces deux tempéraments se neutralisent réciproquement ? On arrange une rencontre, on laisse Jeanne et André seuls, afin qu’ils fassent plus ample connaissance.
Et les deux gamins en profitent pour conclure le traité d’Auteuil : un pacte où ils s’engagent à s’unir pour obtenir l’indépendance financière pour l’un, l’émancipation pour l’autre ; la chose faite mais non consommée, ils divorcent pour épouser les personnes de leur choix, en occurrence Gabrielle, la maîtresse d’André, et Edmond, l’amoureux de Jeanne. Mais Cupidon le coquin, s’en mêle et le voyage de noces à Monte-Carlo, organisé pour faire illusion, prend une tournure aussi orageuse qu’inattendue. Et si finalement, Jeanne et André étaient faits l’un pour l’autre ?
La Main passe : d’un mari à l’autre, un vaudeville endiablé !
Une intrigue dynamique et joyeuse
Disciple de Feydeau, Verneuil accouche ici d’une comédie sentimentale dont les rebondissements évoquent aussi bien les codes du vaudeville que le théâtre de boulevard à la Guitry. Mis en scène par Robert Manuel en 1977 au théâtre Marigny avec les incontournables décors de Roger Hart et les costumes de Donald Cardwell, capté par Pierre Sabbagh dans le cadre de la mythique émission Au théâtre ce soir, ce spectacle démontre le dynamisme d’un texte pourtant écrit en 1918, mais que le tout jeune Pierre Arditi et la candide Marie Leonetti revivifient avec bonheur.
Autour d’eux, Robert Manuel en grand-père gâteux, Alain Feydeau en amoureux transi, Annick Roux en amante idiote, Alain Faivre en ami un peu trop serviable… L’ensemble se laisse regarder avec joie et inconscience. L’occasion d’apprécier la verve à la fois légère et pertinente d’un auteur à la prose florissante, à qui l’on doit par ailleurs L’école des contribuables, époux d’une petite fille de Sarah Bernhardt, futur amant d’Elvire Popesco, adulé au même titre de Guitry, dont le répertoire sera adapté maintes fois à l’écran tout comme celui de Pagnol.
Et plus si affinités
Vous pouvez regarder la pièce Le traité d’Auteuil sur la chaîne Youtube de l’INA.