Les chroniques consacrées à la Révolution française en général et à Marie-Antoinette en particulier ne manquent guère sur The ARTchemists. C’est qu’on ne manque ni de livres ni de films sur ces deux sujets entremêlés. Mais nous n’avions pas inscrit le Marie-Antoinette de Sofia Coppola au palmarès. Profitons de cet été pour y remédier, car, qu’on l’apprécie ou pas, cette lecture un brin fantaisiste est en passe de devenir culte.
Une héroïne immature et frustrée
Le biopic ici déroulé se concentre sur les vingt ans que vécut Marie-Antoinette à la Cour de Versailles, depuis son arrivée en 1770 afin d’épouser le Dauphin Louis, futur Louis XVI, jusqu’à son départ forcé, quand toute la famille royale fut emmenée à Paris par la foule en colère au terme des journées d’émeute d’octobre 1789. Entre ces dates, deux décennies où l’adolescente, isolée dans un milieu hostile et décadent, tente de prendre ses marques comme épouse, mère et reine. Cela n’ira pas sans peine, et la jeune souveraine devra endurer bien des frustrations et des humiliations, sans jamais trouver le respect ni la quiétude.
On a souvent dit que cette version était très/trop librement inspirée de la vérité historique. Certes, la réalisatrice met en exergue la légèreté d’une héroïne immature qui s’enferme dans une bulle dorée de fêtes somptueuses et de folles dépenses pour compenser le désastre de son couple et les contraintes de l’étiquette. Costumes superbes, décors d’époque (le tournage a investi le château de Versailles, ainsi que d’autres sites représentatifs de la splendeur architecturale de l’époque dont, Vaux le Victomte, Dampierre ou l’hôtel de Soubise), accessoires typiques de l’art de vivre à la française au temps des Lumières, l’esthétique du film en a conquis plus d’un.
Fashion victime assumée
On n’oubliera pas de sitôt les montagnes de pâtisseries aux couleurs éclatantes que Marie-Antoinette et ses favorites dévorent à belles dents en admirant bijoux précieux, éventails fins, étoffes de prix, broderies extraordinaires, chapeaux extravagants, chaussures excentriques… au milieu desquelles se glisse la paire de baskets de Sofia Coppola. Une manière de faire le trait d’union entre ces jetsetteurs richissimes et frivoles du XVIIIeme siècle et les jeunes fashion victimes ultra connectées, qui ne jurent que par les grands couturiers et les marques de luxe. On a d’ailleurs reproché au film d’être une sorte de catwalk digne d’un Vogue de jadis, un défilé scandé par Haendel, The Cure et Bow Wow Wow.
C’est oublier un peu vite que Marie-Antoinette fut une fashionista assumée avant l’heure, avec Rose Bertin comme styliste attitrée, Léonard comme coiffeur, et qu’elle a apporté un vent de fraîcheur dans un univers ô combien sclérosé… les allusions à son goût pour le théâtre et l’opéra, son besoin de rompre avec les lourdeurs de sa charge, sa grossesse tardive, tout cela est exact, ainsi que cet enfermement mental dans un Versailles onirique où l’aristocratie se décompose, coupée de la réalité d’un royaume en faillite. Si les séquences d’amour avec Fersen sont totalement inventées, le penchant de la reine pour le beau Suédois est effectivement avéré, de même les pamphlets qui l’accusaient des pires orgies.
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Nuances acidulées et indigestes
On passe sous silence l’affaire du collier, et c’est bien dommage, car ce scandale a très profondément affecté et la reine et la monarchie : l’occasion manquée pour Kirsten Dunst de donner à voir un peu plus les failles d’un caractère qu’elle incarne avec beaucoup de conviction ? Mais l’atmosphère décrite par Coppola est assez fidèle à celle qui régnait alors à Versailles ; et on sent de loin en loin le poids de l’Histoire, comme un écho étouffée du monde qu’on saisit à peine dans cette ambiance feutrée de conte de fées. Les consultations de l’historienne spécialiste du XVIIIeme siècle Evelyne Lever, la lecture de la biographie signée Antonia Fraser transparaissent par petites touches, comme toile de fond à l’histoire de cette gamine exilée loin d’une mère manipulatrice, qui s’en sert comme un pion sur un échiquier politique instable.
Bref, derrière les dorures et les dentelles, la souveraine la plus fashion de notre histoire camoufle pas mal de traumatismes. Et la nonchalance déconnectée de ceux qui l’entourent (on appréciera le casting plus que prestigieux du film où Jason Schwartzman, Judy Davis, Steve Coogan, Asia Argento, Guillaume Gallienne, Marianne Faithfull, Mathieu Amalric croisent Tom Hardy, les membres des groupes Air et Phoenix, le metteur en scène Jean-Paul Scarpitta ou la créatrice Victoire de Castellane) ne la soulage en rien. C’est d’ennui et d’isolement qu’il s’agit finalement, dans cette fresque aux nuances acidulées qui deviennent rapidement indigestes.
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Et Sofia Coppola aborde cette déprime qui ne dit pas son nom avec beaucoup de finesse sans creuser dans une psyché condamnée à paraître à tout prix. Cela nous vaut un portrait assez vraisemblable à défaut d’être véridique. Un film à voir donc… sans faire l’économie d’autres biopics plus fidèles, de biographies plus complètes.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner le film Marie-Antoinette en VoD et DVD.