Julien Hallard avait déjà abordé le sujet dans le film Comme des garçons. Ici, c’est Pauline Bureau qui évoque la naissance de la première équipe féminine de football en France. Sur les planches donc et non plus à l’écran, Féminines affiche un ton aussi drôle, parfois plus amer. Un regard de femme ?
Catch de nains ou foot de femmes ?
Posons le cadre. Reims, 1968, kermesse du journal L’Union: pour amuser la galerie, un jeune journaliste décide d’organiser un match de foot entre femmes. L’année d’avant, c’était une partie de catch de nains, il faut savoir varier les plaisirs. Ce que le jeune journaliste ignore encore, c’est que les donzelles qu’il va recruter via une petite annonce vont s’avérer douées. Très douées. Des joueuses sérieuses, animées d’une passion incroyable, qui n’ont aucunement l’intention de raccrocher les crampons au terme de cette rencontre.
Une rencontre qui va en engendrer beaucoup d’autres, avant la consécration dix ans plus tard, quand cette dream team remporte la Coupe du Monde. Pourtant, derrière ce succès éclatant, que de souffrances, physiques, morales. Que de brimades, de moqueries, de combats. Un chemin semé de très grosses épines que celui de l’émancipation pour ces femmes qui cumulent le handicap de leur sexe, de leurs origines sociales, d’une infériorité qu’elles acceptaient jusque-là.
Quand le foot ouvre les horizons
Sauf que le passage sur le terrain de foot, le travail d’équipe, l’esprit de compétition, la remise en cause constante boostent aussi bien le physique que le mental. L’affirmation de soi qui en découle automatiquement dépasse vite le cadre des buts et des vestiaires pour impacter le quotidien, familial et professionnel. Intellectuel aussi : enfermées dans leur rôle d’épouse, de mère, de femme au foyer, dominées par leur mari ou leur patron, inéduquées, le foot va balayer tout ça et ouvrir largement les horizons.
Et ces dames vont en profiter pour exploser les carcans, prendre les choses en main et leur envol, en s’entraidant, en s’épaulant, en voyageant. S’improvisant entraîneur, coach, manager, agent, le jeune journaliste va progressivement s’effacer pour leur donner les rênes, parachevant un affranchissement qu’il aura défendu bec et ongles contre des institutions franchement phallocrates, qui plieront à contre-cœur. Comme certains conjoints qui observent d’un œil peu amène les envies de liberté de leurs compagnes.
On rit et on a mal
On rit en observant les progrès de ces dames. On rit de joie, on savoure chaque avancée, chaque petite conquête, on a mal aussi, à chaque fois que ça dérape, à chaque coup reçu, à chaque humiliation. Puis, on sourit de nouveau, quand l’humiliation est dépassée par une nouvelle victoire, sur l’équipe d’en face, sur l’entourage, sur les préjugés, sur soi aussi, ses peurs, ses croyances limitantes. Ces multiples avancées, Pauline Bureau les décortique avec beaucoup d’intelligence et de pudeur sans jamais édulcorer les difficultés ni la violence que ces femmes affrontent au quotidien.
La mise en scène, reposant sur un dispositif scénique ingénieux intégrant la vidéo, permet de passer de l’ambiance des ateliers d’usine à celle des cuisines à celles des alcôves pour déboucher sur les vestiaires, les stades, les terrains d’entraînement, les boites de nuit new-yorkaises ou les jardins en nocturne. C’est à la fois très énergique, très brutal et très poétique, romantique parfois, en tout cas très fort. Et le casting, excellent, y fait beaucoup : Rebecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Marie Nicolle, Catherine Vinatier, Léa Fouillet, Louise Orry-Diquero, Anthony Roullier, Yann Burlot, Nicolas Chupin…
Toutes et tous apportent une vibration particulière à cette histoire, colorant leurs personnages de touches émotionnelles variées, passant avec beaucoup de subtilité du rire aux larmes, du découragement à l’espoir, du doute à la conviction. Cette palette de ressentis extrait Féminines de la comédie pure pour lui apporter une coloration très réaliste, à la fois rude et tendre, qui met en relief les aspérités de cette aventure hors du commun et nous rappelle qu’être une pionnière n’est jamais simple.
Et plus si affinités
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