Notre premier réflexe après avoir visionné la série Monster: The Jeffrey Dahmer Story? Foncer dans notre bibliothèque attitrée pour :
- vérifier si ce qui est relaté par Murphy et Brennan est exact ;
- mesurer ce qui, dans le scénario, est conservé, synthétisé, retouché ou omis ;
- avoir une approche plus posée, avec du recul, un regard journalistique, une analyse d’enquêteur, de psychologue, de scientifique, dépourvue d’exagération, de sublimation ou d’affect.
Et pouvoir écrire une chronique à peu près équilibrée, qui ne s’arrête pas seulement à la narration proposée par les papas de American Horror Story. Pour info, Dahmer n’était pas un inconnu pour nous, vu que le sujet des tueurs en série nous passionne depuis pas mal d’années. Mais avec le temps, on oublie certains points, la mémoire fait défaut. Du coup, nous avons voulu nous rafraîchir la mémoire.
Pourquoi des livres et pas des documentairesou des films ?
On sait l’impact des images, la violence des plans, le côté mélodramatique de la musique, les effets de montage sur les interviews. Les documentaires relatant la carrière assassine de Dahmer sont nombreux (Netflix s’apprête à en publier un nouveau dans le sillage de la série, histoire de rebondir sur le succès de cette dernière et de compléter les opus précédents consacrés à Ted Bundy et John Wayne Gacy), mais ils ont un caractère répétitif et racoleur, c’est du reste le fondsde commerce de tout true crime qui se respecte. Nous avons voulu nous distancer de cet effet spectaculaire, « était-il un tueur né ? », ce genre d’approche faite pour faire frémir les foules.
Précisions par ailleurs qu’il existe plusieurs films sur Dahmer : La vie secrète de Jeffrey Dahmer, Damher le cannibale et Mon ami Dahmer, inspiré d’une bande dessinée du même titre. Là aussi, nous avons voulu échapper au poids des images, d’autant plus des images liées à des récits fictifs.
Dahmer : choix bibliographiques
Précisons que la bibliographie décrivant le parcours sanglant du Cannibale de Milwaukee est très dense. C’est un des tueurs en série les plus médiatisés au monde, même si son score de 17 victimes est moindre que celui d’autres assassins (j’ai honte d’écrire ça, c’est pourtant la triste réalité). Mais c’est l’atrocité de ses crimes qui a marqué, épouvanté et fasciné les esprits. Pour preuve, sa photo figure en bonne place sur les couvertures des ouvrages spécialisés, un peu comme une référence incontournable et un puissant argument de vente. Histoire de découvrir à chaque fois des détails un peu plus morbides et croustillants ?
En ce qui nous concerne, nous voulions aborder la chose d’un point de vue chronologique, parce que la chronologie est toujours parlante. Elle permet d’identifier le début des violences, leur intensification, l’accélération de l’escalade vers la mise à mort, éventuellement ce qui a pu la déclencher. C’est essentiel pour adopter un regard objectif qui ne noircit ni n’absout. Un positionnement scientifique. C’est aussi l’opportunité de confronter les points de vue, les angles d’attaque du récit macabre. C’est de ce croisement des informations que jaillit une vision plus nette des choses.
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Quelques livres à parcourirsur Dahmer
Voici donc nos sources, qui ne sont pas exhaustives, loin de là, mais c’est déjà un socle valable pour appréhender le dossier Dahmer, en dehors de toute approche fictionnelle.
- Premier ouvrage consulté, le livre Serial Killer – Le côté sombre de la nature humaine; Brian Innes y aborde le dossier Dahmer en quelques pages synthétiques et factuelles.
- On peut aussi parcourir Le Livre noir des serial killers de Stéphane Bourgoin ; un chapitre est consacré à Dahmer qui détaille par le menu l’affaire et ses retombées, avec quelques paragraphes consacrés au rôle de la police et de l’agent de probation : c’est un point essentiel qui tempère les critiques, et apporte un regard un peu plus posé.
- On ajoutera la bibliographie dédiée qui se trouve à la fin du livre Serial Killers – Enquête sur les tueurs en série du même Stéphane Bourgoin.
- Profitons-en pour faire un point sur Stéphane Bourgoin. Longtemps considéré comme un spécialiste des tueurs en série, on lui a reproché, et il l’a d’ailleurs reconnu, d’avoir menti sur ses rencontres avec des tueurs, ses interviews… Un imposteur, coupable de plagiats répétés… Il n’en demeure pas moins que ses ouvrages, largement inspirés de livres anglo-saxons de référence, constituent une porte d’entrée fiable dans l’univers des serial killers, d’où notre mention.
- Contrairement aux ouvrages cités précédemment qui tiennent lieu d’encyclopédies ou d’études de cas (c’est d’ailleurs l’occasion de replacer Dahmer parmi ses pairs, et ils sont légion), Le Monstre de Milwaukee relate toute l’histoire de Dahmer. Le journaliste Don Davis l’évoque étape par étape en la replaçant dans un contexte historique, géographique, social et politique détaillé. C’est tout l’intérêt de cette approche.
- Ceux qui déchiffrent l’anglais pourront parcourir les chapitres consacrés à Dahmer dans A new century of sex killers de Brian Marriner et The New encyclopedia of serial killers de Brian lane et Wilfred Gregg.
Voilà, vous avez une base à peu près solide sur le dossier Dahmer, de quoi prendre de la distance avec des images certes accrocheuses, mais qui manquent forcément d’objectivité. Et si vous êtes allergique à la lecture, vous pouvez écouter l’épisode du podcast qui lui est consacré dans l’émission L’Heure du crime sur RTL.