Dans notre viseur avant-gardiste du jour, le photographe gallois Matt Henry. À son actif plusieurs séries de photographies inspirées de l’american way of life pour le meilleur et pour le pire.
Photographe et conteur
Season of the witches, The King, 1964 – 1974, Short stories, Blue River falls… Matt Henry se revendique comme un storyteller, un conteur qui combine paysages, portraits et gros plans afin de dérouler une narration dont chaque spectateur va déterminer le sens. Au cœur de ces récits, l’immensité américaine, son histoire, ses scandales, son mode de vie, sa violence.
Des caractéristiques contradictoires de beauté stupéfiante et de cruauté absolue qu’on devine dans chacun de ces clichés à l’esthétique Seventies affirmée. Néons des stations services, voitures emblématiques, chambres de motel, vêtements et accessoires d’époque, ces photos très travaillées jouent avec les ténèbres et les lumières colorées, les teintes acidulées et le noir et blanc.
Mise en scène soignée et ambigüe
Regards, attitudes, positionnement dans l’espace, et des objets et des êtres, tout est mis en scène avec soin pour exprimer l’ambiguïté d’une civilisation au bord du gouffre, qui n’a de moderne que le nom. Comme pour signifier sa méfiance, Matt Henry privilégie les reflets, l’omniprésence médiatique de la télévision et des journaux, dénonçant ainsi la présence d’une force indéfinie, mais définitivement menaçante.
Ainsi, dans sa série The King dédiée à Elvis Presley, l’idole n’apparaît que par images interposées, un porte-clé dans une voiture, un écran de télévision, des cartes à jouer, un puzzle éparpillée. Sa mort s’étale sur la une d’un journal oublié sur une banquette de restaurant. Dans Season of the witch, il revient et sur la chanson de Donovan et sur le film de Romero, pour raconter l’action dévastatrice d’un groupe de sorcières, avec en ligne de mire l’émergence des cultes sataniques dans cette période précise, les crimes de Charles Mason et sa Famille…
Entre passé et présent
À nous de questionner cette vision répétée de thématique en thématique: s’agit-il de mettre en évidence la naissance d’un mythe ? De dénoncer le marketing propre au star system ? La brutalité d’une société sans attaches ? Très marqué par le cinéma, le rock, l’ambiance du Summer of Love, Henry aime à laisser deviner le dessous des cartes, les tractations politiques, la guerre du Vietnam, l’individualisme forcené. S’il n’a pas connu le Swinging London, on sent qu’il a grandi dans une certaine fascination pour cette époque, et qu’il cherche à en décrypter les codes.
Comme nous tous, et à raison. Notre société porte encore les traces de cet enracinement, au niveau de la construction narrative, de l’esthétique, des références, du cinéma, de la mode. Également au niveau social et politique. C’est ce lien entre passé et présent que les photos de Henry tentent de mettre en question, par delà leurs teintes flashy, les contrastes sculptés, cette impression que le temps se fige à chaque prise de vue opérée.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur le travail de Matt Henry, vous pouvez consulter son site ainsi que son compte Instagram; ce dernier est très intéressant, le photographe y explique comment il travaille, la genèse et le processus de réalisation de ses photographies.