Bienvenue à Berchtesgaden, son air pur, sa montagne, ses forêts et son Berghof: quelques ruines que les touristes viennent visiter, avec parmi eux des nostalgiques du nazisme. De la villa de vacances du Führer, il ne reste rien, sinon quelques photos ; et de ci de là, inscrits dans la structure d’hôtels et de bâtiments du coin, de rares vestiges de ce qui fut la petite capitale du IIIe Reich. C’est cet univers qu’explore Thierry Lentz avec le livre Le diable sur la montagne – Hitler au Berghof 1922-1944.
Un pilier du pouvoir
Très tôt, bien avant son ascension au sommet du pouvoir, Hitler vient se ressourcer à Obersalzberg, dans cette partie des Alpes bavaroises qu’il aime tant. D’abord lieu de villégiature, le chalet où il séjourne va devenir une résidence secondaire, puis un pilier essentiel du pouvoir, un symbole. C’est là que le dictateur termine la rédaction du second volet de Mein Kampf, c’est là que vit Eva Braun, c’est là que les pontes du régime nazi se donnent rendez-vous. Tandis que la bâtisse se modernise au fil des aménagements, être invité au Berghof devient un signe de distinction.
Un peu à la manière des monarques du temps jadis, Hitler y instaure une cour composée de ses fidèles les plus proches, il y reçoit les ambassadeurs, il y négocie les traités. Et il y forge son image. Les films réalisés sur la terrasse de la villa participent de la communication du tyran, qui se montre ainsi sous un jour plus intime, plus humain. Pourtant, le protocole est d’une rare rigueur, la décoration codifiée, la sécurité renforcée pour ne pas dire étouffante. Petit à petit, Berchtesgaden et ses environs vont refléter la réalité du IIIe Reich, sa dureté, son hypocrisie, ses déviances, sa vacuité et sa folie.
À lire également
- La Chute : les derniers jours d’Hitler filmés par Oliver Hirschbiegel
- La Nuit des Longs Couteaux selon Max Gallo: “Les morts ne racontent pas l’Histoire.”
- La nièce d’Hitler : du destin funeste de Geli Raubal
Chantier pharaonique et complexe militaire
On va très vite y exproprier à tour de bras pour que les grands dignitaires puissent acheter ces parcelles à moindre coût et s’y installer royalement. Les rares Juifs installés dans le coin ne sont pas les seuls concernés, les Bavarois également, ce qui en dit long sur la manière dont Hitler et ses sbires considèrent la population. L’anecdote du chantier pharaonique du Kehlsteinhaus, le célèbre Nid d’aigle (qu’il ne faut pas confondre avec le Berghof, construit plus bas), est à ce titre édifiante ; érigé sur les cimes pour célébrer l’anniversaire de Hitler, ce palais somptueux va engloutir des sommes faramineuses. Son propriétaire n’y séjournera pas dix jours.
Des faits de ce type, Thierry Lentz en dévoile à chaque page de cette étude passionnante, tandis qu’il dissèque la constitution de ce ghetto nazi perdu dans les montagnes. Spécialiste de Napoléon et du Premier Empire, l’historien s’avère très pertinent dans son analyse, son angle d’attaque étant aussi inattendu que révélateur, jusque dans les ultimes instants de ce qui était devenu un complexe militaire où les nazis envisageaient de se retrancher à la fin du conflit. Que serait-il arrivé si Hitler avait accepté de se réfugier dans sa montagne ? On ne peut que s’interroger en parcourant ces lignes.