Les fake news: ce n’est pas la première fois que nous en parlons sur The ARTchemists. C’est que les rumeurs vont bon train, optimisées par la magie d’internet, des IA et autres outils numériques prompts à fausser la donne. Mais derrière ces outils, il y a des stratégies, des forces en place, des volontés, des objectifs. De la manipulation de masse. Pour preuve, cet épluchage en règle de l’affaire Johnny Depp/Amber Heard par la série documentaire La fabrique du mensonge diffusée sur France Télévisions.
Une horreur au quotidien
À l’origine de cette émission, la volonté de Félix Suffert-Lopez, Jacques Aragones, Arnaud Lievin, Elsa Guiol d’autopsier les mécaniques à l’œuvre derrière des campagnes de désinformation orchestrées dans l’ombre via les réseaux sociaux pour influencer l’opinion publique et orienter la vie politique de nos démocraties. Brexit, vaccins, Quanon, Russie, le nouvel épisode en date s’attaque au procès Johnny Depp/Amber Heard, et le décorticage réalisé est juste effrayant.
Une relation toxique, une vie de couple qui dégénère, l’alcoolisme, la drogue, la violence verbale, psychique, physique allant jusqu’au viol, le mariage Heard/Depp s’avère non seulement un échec mais aussi une horreur au quotidien. Qui avait raison ? Qui avait tort ? Les tribunaux britanniques ont tranché en faveur d’une épouse qui va ensuite être littéralement lynchée médiatiquement. Une opération dirigée dans l’ombre par l’avocat de l’acteur, dans la perspective d’un nouveau procès sur le sol américain.
Une meute enragée
Depp attaque son ex-femme pour diffamation. La manœuvre est simple : outre des dommages et intérêts conséquents qui lui permettront d’éponger des dettes colossales, il s’agit de redorer son blason auprès de l’opinion, puis de retrouver le chemin des plateaux de tournage dont il a été écarté parce qu’ingérable. À partir de là, la machine se met en marche, incluant dans l’équation les influenceurs masculinistes les plus célèbres, qui vont tout faire pour démolir l’image d’Amber Heard.
L’analyse effectuée par l’équipe de La fabrique du mensonge, est, disons le mot, terrifiante. Divulgation de documents confidentiels, production de faux, insultes verbales, menaces de mort, en s’accoquinant avec des youtubeurs d’extrême droite proches des Incels, la défense de Johnny Depp va arriver à son but, d’une manière sidérante, en excitant une véritable meute enragée. L’effet de groupe marche en plein, c’est à celui ou celle qui poussera l’insulte, la raillerie le plus loin.
À lire également :
- #Salepute : la réalité crue du cyberharcèlement
- Féminicides, l’affaire de tous : Eve anéantie …
- Infiltré dans l’ultra-droite – Mon année avec l’alt-right : on ne dira pas qu’on ne savait pas
Qu’en est-il de la justice ?
Amber Heard va en sortir écrasée, le mouvement #metoo impacté. Était-ce la finalité de cette campagne détestable, qui, et c’est le plus pénible, nie complètement la notion de souffrance. Cette souffrance atroce est tournée en dérision, moquée, souvent par un public jeune, qui ne pèse pas un instant la portée de ses actions. La parole de la femme battue est singée, caricaturée de façon odieuse, de même les coups, les atteintes physiques qu’elle a subies, et qui sont pourtant prouvées, vidéos à l’appui. Qu’en est-il alors de la justice ?
Après semblable démonstration, les questions affluent : quel espace d’expression pour les femmes abusées, victimes de violences conjugales ou de féminicide ? Comment stopper ce genre de campagne ? Comment échapper à ce piège redoutable de la désinformation et de la manipulation ? Il est clair que la personne de Johnny Depp n’en sort pas grandie. Mais il est encore plus insupportable de réaliser que ce genre de stratégie est désormais utilisée à tous les niveaux, presque banalisée. Et c’est ça qui fait trembler.