Karen Carpenter : une héroïne de roman ? La chanteuse et batteuse du groupe The Carpenters en a l’aura charismatique, le destin tragique. Karen a vraiment existé, elle fut une star en son temps. Sous la plume de Clovis Goux, sa lente agonie devient le miroir d’une Amérique vide de sens.
Aduler The Carpenters
La disparition de Karen Carpenter possède plusieurs facettes. En surface, il s’agit de nous raconter l’histoire du groupe le plus célèbre des États-Unis dans les 70’s. Cela peut sembler étonnant : aujourd’hui, on garde en mémoire, de cette période post Summer of Love, l’image flamboyante et le rock torturé de Jimi Hendrix, Janis Joplin, The Doors, The Beatles, The Rolling Stones.
Pourtant, à l’époque, la middle class américaine préfère aduler The Carpenters : Richard et sa sœur Karen vont charmer les cœurs de leurs concitoyens, vendant plus de 100 millions de disques d’un soft rock gentil et sirupeux, des balades romantiques qui parlent à toutes et à tous, qu’on écoute au coin du feu, en famille, les soirs de Noël.
D’insondables dérives
Invités à la Maison Blanche par Nixon, produits à la télévision dans des émissions de variétés bon chic bon genre, la fratrie Carpenter est vendue comme un modèle d’équilibre et de conformisme à un public désireux de stabilité. Une vision Bisounours qui cache d’insondables dérives : Richard, insomniaque, se bourre de tranquillisants ; Karen, obsédée par son image, s’affame pour coller aux canons esthétique de la parfaite femme moderne.
Elle en mourra, mettant un terme spectaculaire à une carrière vidée de sa substance par cette volonté de respecter les apparences du bon ton. C’est la seconde facette de ce récit qui dissèque la détresse d’une artiste ô combien talentueuse, enfermée dans une éducation, piégée dans l’ombre d’un frère qui ne veut pas lui laisser sa chance (sans elle, le groupe ne vaut plus rien, c’est elle qui a la voix, le talent, la fougue).
Une success story de façade
Anorexique au dernier degré, bouffée par les exigences et les platitudes du show business, Karen se consume. On lui volera sa seule chance de s’émanciper, un album en solo qui jamais ne sortira, mais où elle s’affirmait comme une artiste d’exception, fougueuse, sensuelle, forte. Parce qu’une bonne Américaine se doit d’être discrète, édulcorée, obéissante.
C’est la troisième facette de ce livre passionnant, qui aborde l’ancrage de Karen et son frère dans un terreau historique, politique et social. The Carpenters sont le produit d’une éducation, ils répondent à des codes de réussite, ils incarnent une success story. Une success story de façade, dont les coulisses démontrent de façon flagrante la vacuité du rêve américain.
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Préfacé par un Simon Liberati fasciné par ce parcours de martyre, La disparition de Karen Carpenter est une déclaration d’amour doublée d’une revanche. Avec une plume dynamique d’amateur éclairé, le journaliste et fondateur de label Clovis Goux partage sa flamme pour cette diva spectrale, qui a savouré chaque minute de son lent calvaire, sa marche triomphale au tombeau.
Et plus si affinités