Oui, c’est ainsi qu’on la surnommait dans les studios de la MGM. Elle était alors une enfant, projetée sur les planches dès son plus jeune âge par une mère bien décidée à exploiter le filon de cette voix d’or. Et tant pis si ça bousille la gamine psychiquement : elle n’est pas encore Judy Garland que Frances Ethel Gumm doit rapporter de l’argent. Elle est au début d’une carrière grandiose doublée d’un chemin de croix. Une vision contradictoire que relate Bertrand Tessier dans Judy Garland, splendeur et chute d’une légende, une biographie ô combien prenante.
Triomphes et catastrophes
Prenante, fascinante et navrante. Les 47 années de vie de l’interprète iconique d’« Over the rainbow » sont jalonnés de triomphes et de catastrophes, de dérives et de ruptures, d’amours ardentes et d’échecs sentimentaux. Pas facile d’être une baby star durant cet âge d’or du cinéma américain. Coupe-faim, tranquillisants, on drogue la gamine pour qu’elle perde du poids, qu’elle tienne le choc face aux cadences infernales de tournages. Enfermée dans l’image d’une éternelle ado, « la petite fiancée de l’Amérique » va peiner à s’imposer à la fois comme une femme épanouie, une actrice accomplie, une mère. Se battre pour des rôles d’envergure, tenter d’échapper à la spirale de la came, de l’alcool, de l’automutilation, du manque de fric…
Vibrante, mais ô combien malheureuse
Un véritable enfer qui se termine très souvent à l’hôpital en cure de désintoxication. Le corps prend cher, Judy grossit, s’épaissit avant de s’étioler, rongée par les excès. La voix, le talent, le charisme, eux, demeurent intacts. Quand elle arrive à l’heure sur les plateaux où on n’en finit plus de comptabiliser ses retards, ses absences, sa fuite en avant, elle boucle les scènes rapidement, irradiant de maîtrise, d’intensité. Vibrante, mais ô combien malheureuse. On dira d’elle qu’elle est le « Elvis Presley » de la communauté homosexuelle. Ce n’est pas faux. Mais en parcourant ce récit frénétique, on pense aussi à Marilyn Monroe, à Bette Davis, à toutes ces actrices que Hollywood a modelées d’une main de fer dans un gant de béton, avec des contraintes inimaginables.
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Le prix de la légende
Des diktats esthétiques, professionnels et moraux inacceptables. Contrainte à l’avortement pour ne pas gâcher sa carrière, Judy Garland va payer un prix bien trop élevé pour devenir une légende. Comme beaucoup d’autres. Au fil de son parcours, on découvre les coulisses de tournages complexes et épuisants, les dessous d’une industrie vorace et sans pitié, surtout pour les femmes, des grandes figures de l’histoire du cinéma et de la musique, mythiques certes, mais finalement terriblement humaines, dans leurs fragilités comme dans leur brutalité. De quoi nuancer très largement l’effet bling-bling du rêve américain, et s’interroger sur le terreau éminemment corrosif d’un univers qui ne devrait pas tant faire rêver.
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