Je ne vous cache pas qu’en regardant les premières séquences de Red Rose, j’ai craint le pire. Me fiant à quelques critiques de bon augure, je m’attendais à une série horrifique et je me retrouvais face à un programme pour ados. Une entourloupe à la Netflix ? Finalement non. Si l’intrigue met du temps à s’installer, ce n’est pas un hasard. Explications.
Red Rose : le début de l’enfer
Nous voici donc dans un bled de l’Angleterre profonde. C’est la fin de l’année scolaire pour Rochelle, Wren et leur bande de potes. Le moment de faire la teuf dans la lande pour relâcher la pression ? Pas tant que ça. Les résultats des examens sont cruciaux pour accéder aux études supérieures, autant dire à un avenir digne de ce nom. Le stress est latent, d’autant que les disparités sociales, financières et raciales se font sentir. Orpheline d’une mère qui s’est suicidée en laissant le papa paumé avec en prime deux petites sur les bras, Rochelle n’a pas d’argent, dépend de l’aide sociale, et doit jouer les nurses.
Pourtant, elle fait face, avec son franc-parler et sa bonne humeur habituels. Jusqu’au jour où elle reçoit une notification sur son téléphone portable. Une connaissance l’invite à rejoindre une application baptisée Red Rose. Ce que la gamine va faire presque par automatisme. Et là, c’est le début de l’enfer. Pour elle comme pour Wren sa meilleure amie, et ses autres camarades. Car Red rose sous ses dehors sympathiques est hautement intrusive, visiblement dotée de pouvoirs surnaturels : lire dans les esprits, réaliser les désirs, parler avec les morts… et lancer des malédictions quand l’usager effrayé fait mine de désinstaller l’algorithme.
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La magie noire du numérique
Une histoire de fantômes 5.0 ? Une appli possédée qui agit au nom du diable pour détruire les gamins trop candides ? La vérité est encore pire, et il va falloir beaucoup d’intelligence, de ténacité et de courage à cette petite bande de kids pour sortir vainqueurs du game. En huit épisodes d’une quarantaine de minutes chacun, les créateurs de la série, Paul et Michael Clarkson, donnent à voir de façon démente la manière dont on peut manipuler les usagers dans un climat de surveillance de masse qui transforme notre portable en espion d’une rare efficacité. La magie du numérique se vêt ici d’un noir opaque et maléfique.
On pense bien sûr à Black Mirror, mais il y a aussi quelque chose de La Meute dans ce récit. Harcèlements en tous genres, revenge porn, groupes secrets et hacking de l’extrême, les ados tentent de s’en sortir seuls, totalement lâchés ou presque par des adultes incapables de gérer leur propre existence. C’est peut-être le plus pénible que de constater cette immense solitude : très jeunes, les héros de ce conte moderne qui s’inspire tant de l’actualité, ne sont pas crus pas leurs aînés, tout juste bons à venir pleurer quand le mal est fait. Conçu comme un récit initiatique, Red Rose met en exergue les dérives du net et de ses usages d’une manière magistrale, qui retourne le cerveau et prend aux tripes. Car tous, nous pourrions nous retrouver à la place de Rochelle et de ses amis.
Et plus si affinités