L’arcane XV du tarot de Marseille ? Le Diable. On ne choisit pas ce pseudonyme par erreur, encore moins par hasard. En se baptisant ainsi, l’artiste brésilien Felipe Froeder annonce clairement la couleur : son univers esthétique est fait de mort, de démons et de sang.
Les grands chantres de l’Atroce
Brésilien donc, Froeder s’adonne passionnément, et avec un talent rare, à l’art subtil du collage. Un art qu’il décline comme une discipline ésotérique. Magie noire, nécromancie assumée, meurtre rituel de l’image, à moins qu’il ne s’agisse d’explorer une psyché vouée aux cauchemars et qui trouve ainsi le moyen d’expulser, de vomir ses terreurs… en nous contaminant avec.
Devant nous, des monstres issus des temps immémoriaux où le monde n’existait pas, des crocs dévorants surmontés de multiples pupilles hypnotiques aux iris absents, des mâchoires écartelées, déchiquetées en une grimace de douleur extatique, des chairs livides qui se liquéfient dans le carmin cardinal du sang en voie de coagulation. La mutation de la matière en putréfaction, donnant naissance à d’autres formes, arachnides, reptiliennes. Lovecraft, Poe, Baudelaire, les grands chantres de l’Atroce ne sont pas loin.
La fin d’une civilisation
Grandes dames, nonnes, princes, nobles seigneurs, beautés virginales, personne n’est épargné par cette danse macabre d’une élégance baroque stupéfiante. C’est là tout le paradoxe : ces corps en métamorphose, marchant vers l’apocalypse sans l’ombre d’une émotion, sont beaux. Ils irradient de séduction dans leur immobilité de statue. Immuables, déjà prêts à la souffrance de l’éternité. Mais ils sont aussi en fragilité, alors que leur être se transforme. Pour tout dire, c’est le moment parfait pour les terrasser d’un coup de pieu ou d’épée.
Trop tranquilles, trop sûrs d’eux-mêmes, impavides. Cette galerie de portraits horrifiques a quelque chose de profondément pitoyable et de grotesque. S’emparant des grands tableaux de maîtres, Arcano XV prophétise la fin d’une culture, d’une civilisation. Tandis qu’il joue les Frankenstein en démembrant les images sacrées pour en façonner de nouvelles, il révèle l’envers de la réalité, la fatuité des honneurs, la vacuité du pouvoir. Goules, vampires, sorcières, démons… que reste-t-il de leur puissance d’antan alors qu’ils sont mis en charpie par l’avènement du monde numérique ?
Et plus si affinités
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