Alors que notre système climatique se dérègle à qui mieux mieux, les séries dystopiques se multiplient de plateforme VoD en plateforme VoD, histoire de nous faire un peu plus flipper sur l’avenir du genre humain. Snowpiercer avait déjà bien donné le la ; Silo lui fait écho avec une évidente efficacité.
Conserver l’harmonie par le mystère
Silo donc, soit un souterrain de 144 étages creusé on ne sait où, on ne sait comment, on ne sait quand, où 10 000 personnes s’entassent, réparties en différentes castes régies par le « Pacte ». Ces tables de la Loi permettent de conserver l’harmonie d’une communauté verrouillée dans l’ignorance de ce qui est advenu par le passé demeuré mystérieux. Pourquoi sont-ils là ? Qui a construit le silo et pour quelle raison ? Pourquoi est-il formellement prohibé de chercher à en savoir plus sur le monde d’avant ? La majorité n’en a cure, mais certains cherchent à comprendre le pourquoi du comment. Même si cela les conduit irrémédiablement dehors.
Et dehors, personne n’a envie d’y aller, vu le peu de paysage qu’on aperçoit, dévasté, lunaire, mort. Les rares tentatives se sont soldées par le décès des candidats. Mais est-ce vrai ? Ou un gigantesque complot orchestré par des puissances occultes pour dominer et écraser les habitants du Silo ? A chaque fois que quelqu’un s’intéresse d’un peu trop près à la question, il lui arrive malheur. Le shérif en charge de l’ordre après sa compagne, un informaticien, une ancienne conseillère en fertilité (les grossesses sont sévèrement contrôlées) … et Juliette Nichols ?
Shérif et fugitive
Brillante ingénieure dévolue au fonctionnement des turbines sans lesquelles le site ne peut fonctionner (et la population survivre, privée d’air et d’énergie), Juliette aime comprendre, c’est une redoutable technicienne, logique, pragmatique, courageuse, têtue. Une personnalité indépendante qui se plie mal aux ordres, aux obligations. Anti-conformiste, autonome, un brin anarchiste peut-être ? Elle hérite de l’étoile de shérif, et cela ne plaît pas à tout le monde. Elle accepte pourtant, en espérant pouvoir découvrir celui qui a tué son amant.
Au final, c’est la vérité sur cet endroit qu’elle se retrouve à pister malgré elle. De révélation en révélation, elle franchit les lignes, transgresse les limites, et les ennuis s’accumulent. De shérif, elle devient fugitive, laissant derrière elle un sillage de doutes, de questions, un vrai bordel qui pourrait bien mettre en péril la paix du Silo. Car toute vérité n’est pas bonne à apprendre, encore moins à révéler, surtout quand on fait partie des seuls rescapés d’une apocalypse.
Le plus grand péché de l’homme
Adaptant le roman d’anticipation de Hugh Howey, Graham Yost accouche là d’un récit trépidant qui se dévore d’une traite ou presque. Jouant sur les flash-back, les ellipses, il enroule son intrigue comme un brin d’ADN, multipliant les relectures, différenciant les points de vue. Chaque image compte dans cet univers dépourvu de photographie, de caméra, de livres. Maintenir les gens dans l’ignorance pour mieux les manipuler… ou les protéger ? Le plus grand péché de l’homme n’est-il pas son besoin obstiné de connaissance ?
Pas pour rien que la seule chose qui soit visible à l’extérieur, ce soit un tronc d’arbre calciné. Tout ce qui reste du paradis terrestre que nous avons soigneusement démoli au fil des siècles. Ou bien est-ce un leurre ? L’image de la pomme croquée, lancée dans la tombe des disparus, référence biblique à la mortalité dont Dieu nous a frappés, a de quoi titiller les esprits. D’autres indices de ce type, la série en regorge, mis en exergue par la réalisation ultra-rythmée de Mortem Tyldum.
Ajoutons le côté titanesque des décors, quelque chose du Metropolis de Lang dans l’effet de profondeur, le travail des couleurs, des lumières, de l’image, et l’interprétation percutante de Rebecca Ferguson, accompagnée dans ce périple par Tim Robbins, Common, Iain Glen, David Oyelowo, Will Patton, Harriet Walter, Geraldine James… Ce casting tonique et impliqué donne tout son relief à cette fable effrayante qui pourrait un jour devenir réalité.
Et plus si affinités