On la surnommait « La Blonde explosive » ou « Le Buste ». Façonnée par la Twentieth Century Fox pour remplacer une Marilyn Monroe mise à la porte car ingérable, cette blonde peroxydée au QI de surdouée va terminer sa carrière le 29 juin 1967, sa Buick Electra bleue encastrée sous un camion. Une fin spectaculaire qui la fait entrer dans la légende. C’est cette légende que Simon Liberati autopsie dans le magnifique et sanglant Jayne Mansfield 1967.
« Créature de Frankenstein »
En 208 pages d’une écriture rigoureuse et possédée, l’auteur d’Anthologies des apparitions et Eva, entre autres faits d’armes littéraires, évoque le destin hors normes de ce « symbole de l’ancien Hollywood ». Une « créature de Frankenstein », un monstre comme seul le star system à l’américaine pouvait en inventer, célébrissime plus pour sa plastique et ses frasques que pour sa trop mince et insignifiante filmographie.
Actrice douteuse, chanteuse sans envergure, adepte du scandale, Jayne Mansfield, au soir de sa courte vie, s’est convertie dans le striptease, le porno et le satanisme. C’est du moins ce que donne à penser le décryptage de ses derniers mois sur terre, dont Liberati remonte le fil tortueux, document après document, article après article. Un travail de fourmi qui dépasse celui du journaliste pour toucher au domaine du mentaliste ou du médium.
Voluptueuse autodestruction
Incontestablement fasciné par ce personnage exceptionnel qui a tout de la Circé ou de la Gorgone, Liberati fouille les entrailles de l’Histoire, grande et petite, non pour comprendre, mais pour étoffer le mystère. Racontant par le menu les circonstances d’un banal accident de la route transformé en « force du destin » via une presse sensationnaliste à souhait, l’auteur dissèque une existence vouée à une lente et voluptueuse autodestruction.
Sexe, alcool, drogue, Jayne Mansfield a beau adorer le rose, elle y cache une tendance très nette à la mutilation. Suicidaire ou maudite ? Pas de réponse et c’est justement là la grandeur macabre de la chose. La starlette sans envergure conquiert son aura dans les ténèbres montantes des années 70 à venir, sa mort a tout de l’échéance à payer au terme d’un pacte diabolique signé sur un coup de tête… ou pas ? L’énigme demeure, avec, en arrière-plan, pour en cultiver l’opacité, les anges noirs tutélaires Kenneth Anger et Aleister Crowley.
Fatalité démoniaque
Deux noms qui sentent le souffre et la messe noire, l’anathème à la longue traîne. La damnation de Jayne Mansfield est-elle contagieuse ? Le livre de Liberati, sorti en 2011 chez Grasset dans la collection « Ceci n’est pas un fait divers » est sacré lauréat du prix Fémina au premier tour de scrutin par neuf voix contre trois. Un succès, un adoubement, un avènement même et pourtant… Promis à des records de ventes (155 000 ventes en moyenne), le livre, exceptionnel, ne s’écoulera qu’à 35 000 exemplaires, englobant son auteur dans la fatalité démoniaque qui frappa jadis sa faustienne héroïne. Une fatalité dont il se glorifiera à raison.
En évoquant les derniers jours de la « Blonde explosive », Liberati s’échappe du récit autobiographique et du fait divers pour explorer d’un œil sciemment envoûté la fin d’une époque et la naissance d’une autre. Une période transitoire d’une violence physique et mentale extrême. Deux ans après la mort sanglante et tragique de Jayne Mansfield, la secte de Charles Manson massacre Sharon Tate et ses amis. Un autre récit épique dont Liberati disséquera les méandres dans California Girls, des filles californiennes et meurtrières qui pourraient bien être les petites sœurs d’une Jayne Mansfield putréfiée mais toujours rayonnante du fond de sa tombe de roses recouverte.
Et plus si affinités