2 décembre 1923 : dans une chambre du Flower Hospital de New-York, un cri retentit. Une petite fille vient de naître, elle s’appelle Sophie Cecilia Kalos. De cette première vocalise, on ne sait rien ou presque, sinon qu’il était le prélude à une carrière d’anthologie, le parcours d’une cantatrice unique en son genre, parfaite quintessence de la diva. Maria Callas s’imposera à la planète entière comme une chanteuse d’opéra hors pair doublée d’une tragédienne d’envergure. Aujourd’hui, encore, c’est un véritable mythe qui mérite d’être exploré sous plusieurs angles.
Divin Assoluta : une légende
Cantatrice donc, à succès, adorée, conspuée ; mais aussi femme, aimée, bafouée. Une très belle femme du reste, que les hommes courtiseront, mais dont un seul volera le cœur. Onassis l’amant fougueux, Onassis qui la trahira de la plus sordide des manières, Onassis à qui elle ne survivra pas. Quand elle s’éteint le 16 septembre 1976, terrassée par une crise cardiaque, la Callas est seule et a tout perdu : sa voix s’est tarie, sa carrière est en ruines, son grand amour est mort. Mais sa légende est là. Que s’est-il passé durant ces 53 années de vie qui a permis d’enraciner si profondément ce mythe moderne ? En quoi aujourd’hui encore, Callas demeure LA Divina Assoluta ?
Pour tenter de répondre à cette épineuse question, peut-on se contenter de visionner un documentaire, de parcourir une biographie ? Non. Le phénomène est tellement complexe qu’il continue d’enflammer les esprits, d’alimenter les rumeurs. Capricieuse et indomptable tigresse, bourreau de travail, élégante et mondaine, femme amoureuse, l’incontournable interprète de la Tosca, un de ses rôles fétiches avec Norma et Traviata, continue de susciter les passions. Son parcours mérite d’être abordé de diverses manières qui se superposent, s’entrelacent :
- la gamine malheureuse, tyrannisée par une mère exigeante, qui y voyait une poule aux œufs d’or ;
- l’artiste surexploitée par un star system cannibale, qui ne lui laissa guère de temps pour souffler, la pressa comme un citron au risque d’y laisser sa voix, sa santé physique et mentale ;
- l’amante éprise et abandonnée, sacrifiée sur l’autel de la réussite sociale d’un amant particulièrement mufle ;
- l’amie et la collaboratrice des plus grands, Visconti, Cocteau, Pasolini ;
- l’icône de mode, mince, élancée, couverte de bijoux, de fourrures, de robes de haute couture
- la femme anonyme, désireuse d’évoluer en toute discrétion dans Paris, sa ville de cœur, où elle se retira au soir de sa fulgurante carrière.
Maria Callas en biographies
Ces différentes trajectoires, il faut les rechercher dans ses biographies (dont nous ne citons ici que quelques-uns des exemples les plus parlants, l’ensemble étant vraiment trop conséquent pour tenir dans ce paragraphe) :
- La Callas de l’Enfer à l’Olympe est une approche très complète de 50 pages, illustrée et très finement détaillée par un Martin Monestier qui cherche à explorer le contexte dans lequel évolue la diva, les convoitises qu’elle a suscitées ainsi que les répulsions, dans son univers professionnel comme dans sa vie personnelle.
- La véritable Maria Callas (2007) de Bertrand Meyer-Stabley évoque ce parcours d’exception en insistant sur le côté artistique, l’apport de Callas à l’art du bel canto, la manière dont elle a su remettre au goût du jour un répertoire oublié.
- Maria Callas de René de Ceccatty (2009) échappe aux nombreuses rumeurs entourant la vie de Callas pour se fonder sur les faits, les documents historiques, apportant ainsi une vision chronologique très resserrée et fiable, concrète.
- Dans Maria Callas, l’ultime tournée (2017), Robert Sutherland, le pianiste qui accompagne la diva lors de son grand retour sur scène en 1973, raconte ses souvenirs, donnant à voir les deux visages de Callas, la femme et la chanteuse, au travers d’une relation professionnelle qui va devenir une histoire d’amitié.
- Dans la peau de Maria Callas se présente comme un journal intime imaginaire où l’auteur Alain Druault laisse la diva raconter, se souvenir, évoquer ses succès, ses chagrins, le tout sur les deux dernières semaines de sa vie. Des paroles émouvantes, une sorte de testament artistique qui laisse entrevoir la Callas vulnérable, humaine derrière le monstre sacré.
- Paru en 2023, Maria Callas et la voix du cœur de Michelle Marly revient sur l’histoire d’amour avec Onassis, comment ces deux titans se sont rencontrés, aimés, comment il l’a quittée, la douleur qu’elle a ressentie, le devenir de cette relation qui jamais ne cessa malgré la colère, la honte, le chagrin.
Maria Callas en documentaires
Les livres, c’est bien, surtout pour fouiller les dessous, les tenants et les aboutissants de cette carrière unique en son genre. Mais c’est se priver de voir et d’entendre la Callas, or comment comprendre cette artiste de légende sans saisir son incroyable voix, sa manière de chanter, sa prestance sur scène ? C’est là qu’interviennent les documentaires, et là aussi, on n’en manque guère.
- Réalisé par Tom Wolf en 2017, Maria by Callas retrace le parcours de la cantatrice au travers d’images d’archives particulièrement précieuses, interviews, concerts, spectacles ou films amateurs. La voix de Fanny Ardant se superpose à ce récit prenant, pour lire des extraits de la correspondance de la chanteuse. Le tout insiste sur le destin d’une femme adulée et fracassée.
- Maria Callas chante Tosca: 1964, Londres, opéra de Covent Garden ; devant un parterre de célébrités, la Callas interprète Tosca de Puccini mis en scène par Zeffirelli. Elle y est grandiose. C’est un des moments phares de sa carrière ainsi qu’une date historique dans l’histoire de l’art lyrique. Car en ces instants uniques, Callas EST Tosca. À croire que le rôle a été créé pour elle. Seul le second acte de cette représentation d’anthologie a été filmé, ce sont ces instants rares que le documentaire donne à savourer, avec un ensemble de gros plans qui dévoile l’incroyable talent de cette tragédienne.
- Maria Callas chante Tosca – Le documentaire: en quarante minutes, le réalisateur Holger Preusse donne à voir l’importance cruciale de la représentation citée plus haut ; d’interviews en témoignages, les plus grands critiques, les historiens de l’art lyrique exposent le contexte, les enjeux, la particularité de ce spectacle qui consacrera Callas comme un monstre sacré moderne.
- Avec Les grands rivaux en musique – Callas vs Tebaldi, on change de registre. Exit le côté glamour et tragique ; on se concentre sur une concurrence qui a tout de la joute. En leur temps, les deux cantatrices occupèrent le devant de la scène, se disputant l’attention des médias, du public et des professionnels de l’art lyrique. Charismatiques, adulées, interprétant le même type de répertoire, elles n’eurent pas le même parcours, gérèrent leur carrière différemment. Comparer leur évolution est parlant à plus d’un titre, et sur leurs personnalités et sur leurs visions de leur métier, c’est aussi l’occasion de mesurer à quel point ces chanteuses étaient célèbres à l’international, à l’égal des plus grandes stars du cinéma et du rock.
Maria Callas en podcast
Et les podcast me direz-vous ? On n’en manque guère non plus qui détaillent par le menu et sous différents angles la carrière de la Callas.
- Il suffit de consulter la page consacrée par Radio France aux différents programmes pour rester sans voix devant l’abondance d’approches et de problématiques. Décorticage de son évolution, analyse de ses plus grands rôle, zoom sur les compositeurs qu’elle a joués, témoignages sur sa façon d’envisager le chant, c’est presque comme si elle était encore là, avec nous, partageant son savoir, ses ressentis, sa conception de l’opéra et du chant. Une véritable masterclass à l’image de celle accomplie en octobre 1971 à Juilliard, dont Terrence McNally a du reste fait une pièce.
- Vous pouvez aussi miser sur une approche plus succinte, Maria Callas, la force d’un destin par Hélène Van Loo qui évoque en cinq chapitres les facettes essentielles de cette carrière artistique voué au sublime.