C’est une des belles choses que nous a laissées la pandémie : conçu en 2020 pour compenser la fermeture des théâtres de France et de Navarre, Le théâtre à la table continue d’éditer avec une régularité de métronome ses vidéos sur le compte Youtube de la Comédie-Française qui en est l’initiatrice. preuve que malgré son grand âge, la maison de Molière sait rester dans le vent, s’emparant de l’outil numérique avec grâce et sans brader sa créativité.
Minimalisme et ferveur
Le théâtre à table donc : soit cinq jours de préparation pour orchestrer la mise en voix d’un grand texte du répertoire dramatique par certains acteurs de la Comédie-Française. Initiée en pleine pandémie pour continuer à charmer son audience privée de représentations et faire culturellement front face à l’adversité, cette formule avait aussi pour but de faire découvrir l’écriture dramaturgique au commun des mortels via le prisme du Net.
Pas de décors, pas de costumes, pas de maquillage ni de perruques. Une table, des sièges, des textes, des surligneurs, des caméras. Minimalisme. Epure. Et des acteurs au quotidien que nous voyons s’emparer de l’intrigue, des répliques, lisant chaque ligne avec une profondeur incroyable, une ferveur d’autant plus perceptible que les gros plans sont légion durant ces captations d’une très grande qualité. Aucune mise en scène donc, juste la parole écrite d’un auteur, lue, scandée par un comédien qui se glisse dans son personnage avec une aisance qui ne doit pas gommer la difficulté du défi.
Processus alchimique
Les Fausses confidences de Marivaux, Gargantua de Rabelais, Tartuffe de Molière, La Mouette de Tchekhov, Le Soulier de satin de Claudel, les oeuvres s’enchaînent , mettant en évidence la jubilation d’interprètes chevronnés qui s’amusent ensemble, quitte à jongler avec des émotions d’une rare puissance. On se souviendra longtemps de l’accès de rage qui saisit Arnolphe/Thierry Ancisse face à une Agnès/Adeline d’Hermy aussi frêle qu’impassible, plus Antigone qu’Agnès du reste dans sa tranquille détermination. Et que dire de l’éclat qui illumine les yeux de Danielle Lebrun tandis qu’elle scrute Laurent Lafitte prononçant les répliques de Louis dans Juste la fin du monde de Lagarce ?
Faire jaillir la beauté du texte, laisser le champ libre au verbe est savoureux : c’est la première étincelle de l’acte théâtral que nous découvrons ici, un processus alchimique qui repose sur une complicité, un partage, une émulation qu’on ne peut saisir une fois le spectacle sur scène. Le Théâtre à table nous donne l’occasion rarissime d’observer la magie de cette possession qui saisit chaque comédien quand il s’ouvre initialement à son rôle. la chose est d’autant plus touchante qu’elle se révèle à tous comme un partage, une émancipation intellectuelle.
Et plus si affinités
Pour découvrir les différentes éditions du Théâtre à table, consultez la chaîne Youtube de la Comédie-Française.