Initié par Thomas Harris avant de prendre vie à l’écran sous les traits de l’hypnotique Anthony Hopkins, Hannibal Lecter s’est imposé comme l’archétype du serial killer oxymorique : distingué et cultivé, pour ne pas dire précieux, cet intellectuel se transforme en assassin en un clin d’œil, avec un penchant très net pour un cannibalisme sophistiqué vécu comme un sommet de cruauté gastronomique. Pas forcément un modèle à suivre donc, et pourtant… C’est le pari un peu dingue du livre Agir et penser comme Hannibal Lecter que de tirer les leçons philosophiques de ce mode d’existence. Et de nous en faire profiter au passage.
Décrypter le labyrinthe d’un esprit tortueux
Une plaisanterie de mauvais goût ? Pas tant que ça, au contraire même. Stéphane Garnier s’empare de ce personnage emblématique de la pop culture pour scruter sa carrière et ses frasques. Lecter coach de vie, rien que ça ? Eh bien oui, et l’analyse, publiée aux éditions de l’Opportun, est, reconnaissons-le, aussi captivante que surprenante. Conçu comme un menu raffiné digne d’un restaurant étoilé, ce parcours dans une psyché pour le moins énigmatique porte son lot de révélations, d’enseignements et d’audaces.
Entrecoupant ses analyses de séquences emblématiques des films Le silence des agneaux de Jonathan Demme, Hannibal de Ridley Scott, Dragon rouge de Bret Ratner, Garnier tente de décrypter le labyrinthe d’un esprit tortueux car supérieur, qui a beaucoup à nous transmettre et qui ne s’en prive guère du reste. Régulièrement des lettres adressées à l’auteur depuis sa mystérieuse retraite par un Lecter très en verve entrecoupent et relancent le fil d’une réflexion profonde et dépourvue d’a priori.
Une irrépressible attirance
Pas très moral ? Certes, mais ne soyons pas hypocrites. Qui n’a pas succombé au charme de l’énigmatique, du séduisant Lecter, malgré son goût prononcé pour la manipulation mentale et la gastronomie cannibale ? C’est aussi l’objectif de ce singulier ouvrage que de nous confronter à une irrépressible attirance, pour en comprendre les rouages, en tirer les conclusions qui s’imposent. Un régal authentique pour l’esprit, relevé d’une pointe de cynisme, de beaucoup d’humour, mais dont le message est chargé de sens.
Animal ou cannibale ? Bon ou mauvais ? Et s’il convenait de dépasser cette logique binaire exsangue pour penser la complexité humaine en d’autres termes ? C’est à ce voyage en terre psychique inconnue que nous invite Garnier tandis qu’il dépèce le mental d’un héros consentant, comme on le ferait d’une pièce de gibier prête à être cuisinée. Juste retour des choses ? Autopsier l’esprit de Lecter, c’est éclairer bien des ombres… et en éveiller d’autres.
Et plus si affinités ?
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