Ma première pensée fut : « Non, connerie, encore un fake, faut arrêter de jouer avec les rêves des gens comme ça ! » Et puis la liste des concerts a commencé à circuler, inondant les réseaux sociaux. Oasis rising from ashes…
OUUUUUUUUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !
Comme des millions de fans à la surface du globe, je pensais la chose inconcevable : nous en étions tous restés à l’implosion mémorable du groupe le 28 août 2009, à 1/2 heure de monter sur la scène de Rock en Seine (un trauma dont l’équipe du festival ne s’est d’ailleurs toujours pas remise). Depuis nous attendions, incrédules et désespérés, pour ne pas dire fatalistes, observant les aventures musicales des Gallagher Bros, chacun dans son coin, à jouer/composer/bouder (on image l’ambiance de merde à chaque Christmas party familiale). Et puis, quand on ne l’attendait plus, l’annonce miraculeuse est tombée : Live’25 consacre la reformation d’Oasis, pour célébrer les 30 ans de son premier album (anthologique) Definitely Maybe sorti le 30 août 1994.
L’occasion d’explorer le parcours de ce véritable mythe, incarnation du rock’n’roll dans toute sa brutalité crasse et sa gloire céleste : car le cas Oasis, aujourd’hui encore et pour longtemps, pose question, synthétisant les contraires, les ambiguïtés. Fin connaisseur de la geste gallagherienne, Nico Prat autopsie la saga aux côtés du documentaliste Benjamin Durand dans Oasis ou la revanche des ploucs, donnant à voir comment cette aventure s’est orchestrée, à la fois fruit d’une époque, miroir d’une incroyable créativité, et doudou mélodique d’une génération.
Légende en gestation
Le titre est clair : avec Oasis ou la revanche des ploucs, Nico Prat décortique une success story élaborée sur le fil du rasoir, qui a tout de la légende en gestation. Ancrage à Manchester, berceau rock pour le moins fertile, famille dysfonctionnelle en mode Ken Loach, fratrie à large spectre autodestructeur, appât du fric et besoin presque obsessionnel de reconnaissance, labels et sponsors qui rodent comme des requins flairant les jeunes otaries insouciantes prêtes à être dévorées…
Sauf que les Gallagher bros ont aussi tout du squale. Bad boys initiés dès leur prime jeunesse à la violence paternelle et aux combats de rue, ils ont su transposer hargne et espoir dans des compositions d’une puissance incroyable, à la fois déchirantes et chargées d’espoir. Ploucs peut-être, mais les astres étaient alignés comme il le fallait. Jusqu’à ce que ça parte en couille. À moins que la destruction en plein vol fasse partie du programme pour atteindre les étoiles ?
Hymnes générationnels
Qui sait avec Oasis ? Ce qui est sûr, c’est que le mythe prend racine dans un entrelacs de circonstances spécifiques. Prat creuse, fouille, démontre que derrière le chaos apparent de cette trajectoire, il y a aussi une structure, une ambition féroce, et surtout, un talent inégalé pour pondre des hymnes générationnels. « Wonderwall », « Don’t look back in anger », « Live forever » : s’ils ne sont pas forcément mes préférés (je kiffe personnellement « Columbia », « Panic » ou « Fade in out »), ces titres ont su s’imposer comme des classiques qui résonnent désormais dans les stades, les bars, et les fêtes entre potes.
Prat revient avec précision sur les moments décisifs de l’histoire du groupe, des débuts chaotiques dans les petits clubs de Manchester à la domination absolue des charts britanniques et mondiaux. Mais il n’oublie pas de rappeler que cette conquête n’a pas été sans dommages collatéraux. L’arrogance légendaire de Liam, la mégalomanie de Noel, la tension toujours palpable entre les deux frères ont fini par éclater en plein vol, entraînant la tristement célèbre dissolution du groupe citée plus haut.
Revanche socio-culturelle
Mais Oasis ou la revanche des ploucs ne se limite pas à la simple chronique d’un groupe. les auteurs utilisent l’histoire d’Oasis pour évoquer la revanche de toute une classe sociale. À travers le succès des Gallagher, c’est tout le monde ouvrier anglais qui prend le dessus sur l’élitisme culturel, sur les milieux bien-pensants. Le succès d’Oasis, c’est celui d’une génération assoiffée de réussite, désireuse d’écraser l’intelligentsia culturelle à grand coup de guitares saturées et d’accent mancunien.
Dans un style direct, nerveux, et sans concession, Prat montre que la force d’Oasis ne réside pas seulement dans la musique, mais dans cette énergie brute qui a porté des millions de jeunes à croire qu’eux aussi, issus de nulle part, pouvaient atteindre les sommets. Cette dynamique sociale fait d’Oasis bien plus qu’un groupe de rock, mais un phénomène culturel et politique. Ils étaient les antihéros devenus héros.
Alchimie musicale
L’écriture de Nico Prat est tout à fait à la hauteur des Gallagher : incisive, provocante, ironique. Le livre est ponctué d’anecdotes, de réflexions acerbes sur l’industrie musicale ; on y respire un amour palpable pour ce rock à la fois sublime et déglingué. L’auteur n’hésite pas à égratigner les mythes, à remettre en question certaines légendes entourant Oasis, mais il le fait avec un respect sincère pour le génie des frères Gallagher.
Et dans le contexte de reformation du groupe, Oasis ou la revanche des ploucs prend une nouvelle dimension, en explicitant d’avance pourquoi ce retour est tout simplement épique, quelque part inscrit en filigrane dans des lyrics presque prophétiques, des références chargées de sens. À la lumière de cette lecture, Oasis s’érige comme passeur de mémoire, courroie de transmission d’un patrimoine, alchimiste d’une pierre philosophico-musicale qui ne demande qu’à muter pour se sublimer.
Résumons : si tu veux comprendre pourquoi Oasis a laissé une empreinte indélébile sur la scène rock mondiale, pourquoi leur musique continue de résonner des décennies après leur séparation, pourquoi leur histoire est aussi fascinante que leur musique, pourquoi leur reformation a tout de la résurrection, Oasis ou la revanche des ploucs édité chez Playlist society est un must. L’hommage est à la hauteur du groupe : brut, direct, passionné. Et d’une rare lucidité sur cette épopée rock’n’roll mythique.
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