MaMA 2024 dans le viseur : je ne pouvais pas terminer mes chroniques sans faire la focale sur UNE conférence plus spécifique. Elle a eu lieu le vendredi 18 octobre de 13 à 14h dans le théâtre du lycée J. Decour. Co-organisée par une foultitude d’organismes (RIF, SMA, FRACAMA, Féma, UFISC, Fédération des Musiques Métalliques, FAMDT, ZONE FRANCHE, FELIN, Haute Fidélité, RIM, AJC, Le Pôle, Supermab, FEDELIMA, Grand Bureau, FERAROCK, Technopol, Grabuge, Fédéchanson, PAM), elle donnait la parole à l’avocat Raphaël Kempf, Vincent Guillon, codirecteur de l’Observatoire des politiques culturelles et professeur associé à Sciences Po Grenoble, Emmanuelle Cuttitta, entre autres coprésidente de la Fédélima et le groupe Lulu Van Trapp sous la houlette du modérateur Sophian Fanen.
Son titre :
« QUELS ENJEUX POUR LES MUSIQUES ACTUELLES FACE À LA MONTÉE DE L’EXTRÊME DROITE AU POUVOIR ? »
Grosse panade en perspective
Toute seule dans mon petit fauteuil de gameuse, j’étais en train de décortiquer la prog conséquente du MaMA Convention 2024 lorsque je suis tombée sur ce titre dont je conserve volontairement l’écriture en capitales. Et pour cause : ces majuscules sont à l’image de ma réaction. Estomaquée. « Putain, ils ont osé !!!! ENFIN !!!!! » Dans un monde lissé jusqu’à la déprime où plus personne n’ose ouvrir sa gueule, les programmateurs du MaMA ont inscrit à l’affiche d’une convention dite professionnelle une conférence sur un sujet que personne ne veut trop aborder.
Par trouille ? Par opportunisme ? Pour éviter de perdre des subventions déjà raréfiées comme pluie dans le Sahel ? Un peu de tout ça, en témoignent des intervenants qui se sont retrouvés confrontés au RN, notamment lorsque ce parti accède à la gestion de villes après des élections municipales. La vie associative est déjà compliquée, le travail des créateurs de tous poils complexifié par la crise. Mais quand en prime, on se coltine une équipe municipale à tendance extrême-droite, là c’est la grosse, grosse panade. Marine Tondelier en a parlé dans son ouvrage Nouvelles du Front (à lire de toute urgence, par contre vous risquez d’en sortir pas bien du tout, je vous préviens) ; la plupart des personnes qui prennent la parole au MaMA surenchérissent.
Diversité en péril
Et démontent la technique de noyautage parfaitement huilée du RN pour démolir le paysage culturel français, musiques actuelles en tête. La diversité en prend un sacré coup, la promotion des jeunes talents également, de certains styles de musique aussi. La stratégie est rodée, beaucoup moins conflictuelle qu’avant. Aujourd’hui, il s’agit d’avancer masqué, tout sourire, en mode friendly, « nous venons en paix, amis terriens ». Et une fois qu’on est bien installé, on dégomme méthodiquement : déprogrammations d’artistes jugés indésirables, regard sur les collections des bibliothèques, destruction d’oeuvres d’art… l’exposé est féroce et flippant à la fois. Clairement, l’objectif est de dézinguer la diversité culturelle, d’éteindre l’ouverture au monde, de rayer de la carte tout ce qui l’est pas de bonne souche française, Madame !!!!!
Les exemples cités sont révoltants. La mécanique mise à jour effrayante. L’état des lieux angoissant. Ne nous mettons plus la tête dans le sable : il s’agit d’éradiquer à terme une grande partie des professionnels de la culture. Ok maintenant, les questions sont : pourquoi personne ne bouge son cul ? Comment on lutte ?
Réponses :
- personne ne bouge son cul par peur d’être blacklisté et de perdre du fric. Les maisons de prod sont en grande partie en mode profil bas, on se tait, on attend que l’orage passe.
- on lutte en s’appuyant sur la loi.
C’est mince. Et plusieurs personnes dans le public ne se gêneront pas pour le souligner.
Il y a urgence !
Qu’est-ce qui ressort de cette conférence que je vous incite à écouter sous forme de podcast gratuit (donc vous n’avez pas d’excuse et en plus je l’ai placé en tête de l’article, donc non vraiment pas d’excuse) ?
- Déjà qu’elle a le mérite d’avoir eu lieu et qu’il en demeure une trace sonore que chacun.e peut écouter.
- Que si le MaMA s’est fendu d’un débat sur le sujet, c’est qu’il y a urgence, et que la prise de conscience doit être accompagnée de stratégies de contournement fissa.
- Que le milieu musical/culturel est en danger, que le dépeçage a commencé et qu’il y a intérêt à se mobiliser si on veut survivre au chaos qui se profile.
- Que bosser dans l’industrie musicale, cela implique aussi de prendre ce risque en compte, au même titre que le dérèglement climatique qui menace les festoches, l’ombre de l’IA qui remet en cause la question de composition et de propriété des œuvres.
Bref un pro du secteur qui se dit responsable ne peut, ne doit pas se voiler la face. La question n’est pas seulement politique ou idéologique, elle est sociale, elle est financière. Il s’agit aussi de préserver des activités, des emplois, un statut. Et pas en baissant son froc face à l’adversité.
Et plus si affinités ?
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