Prince S. Jeanne : un political drag monster est né !

The Artchemists Prince S Jeanne

Drag queen : l’expression évoque des créatures superbes, tirées à quatre épingles, corsetées dans des robes de couturiers, chevelure impeccable et maquillage millimétré. Un charme fou, de l’allure, du chien… Prince S Jeanne joue résolument dans une autre cour : celle du drag monster assumé, émanation un brin fellinienne, créature échappée d’un film d’horreur, baignant dans le sang et le bon sens pour nous faire un peu frémir, beaucoup rire, et réfléchir en profondeur.

Démoniaque, angélique

Trash : portable en main en mode rappeur pour ne pas perdre le fil de sa démonstration, Prince S Jeanne déroule son stand up avec un calme malicieux que contredit son maquillage outrancier de vieille pute au visage défoncé par un mac indélicat. Victime ou tueuse ? Douce ou sauvage ? Démoniaque ou angélique ? Tout simplement humain.e, fièr.e de l’être et nullement prêt.e à baisser la garde devant les trop nombreux empêcheurs de vivre/s’aimer en rond.

Qu’on se le dise, Prince S Jeanne (Étienne Jeannot dans le civil) est engagé.e (c’est de famille, me dira-t-iel). Les donneurs de leçon, les moralistes, iel n’aime pas ça. Depuis ses premières prises de parole aux alentours de 2019, iel démolit la bien-pensance à grand coup de punchline dans la tronche. Docs aux pieds, make-up foutraque, pupilles noircies, bave sanglante aux lèvres (on sent le passage en étude de ciné tendance horror movie), cette virago tout droit sortie des enfers est là pour nous secouer les miches.

Political drag queen

Et nous rappeler au passage que le drag queen originel est engagé, combattant. Revendicatif. Impliqué. En un mot, politique. Une sorte de guerrière du verbe, qui cingle l’hypocrisie et le conformisme d’une société en décomposition. Entre Grand Guignol et Shakespeare, Prince S Jeanne aborde les sujets qui fâchent : intolérance, racisme, fascisme, homophobie, capitalisme et autres cancers mentaux qui rongent les consciences trop fragiles, dépourvues d’empathie et de tolérance.

Qui est le monstre, au final ? Originaire de Franche-Comté, Prince S Jeanne a vite compris que la prétendue normalité peut s’avérer prédatrice. D’où son approche du drag, qui explore de manière volontairement outrancière, mais finalement très pertinente, la notion de queer, pour donner à réfléchir et à se réfléchir. Démarche stratégique, militante et pédagogique à la fois : stand-up sans pitié, performances symboliques, ses interventions sont énergiques en diable, rageuses et incisives. Cathartiques.

En mode missionnaire

Un mot d’ordre : « faire du drag là où on ne l’attend pas » : scène ouverte Guillotine, Trans Day of Rememberance, Pride Besançon, Queerale, Queer sur l’herbe, tout est bon pour porter la bonne parole de la bienveillance en dehors de la communauté LGBT, afin d’informer, de démythifier, de faire tomber les préjugés, les tabous. Un sacerdoce que cette opération de décoinçage à géométrie variable. Prince S Jeanne en première ligne, en mode missionnaire ? C’est un peu l’idée.

Il y a urgence. À l’heure où la Bête immonde s’avance (Brecht, sors de ce corps !), il faut impérativement redresser la tête, sortir du cadre, créer le dialogue, susciter l’échange. S’interposer. Aller interpeller Monsieur/Madame Tout le Monde. C’est notamment le propos de Queer sur l’herbe, des performances en extérieur, aux Buttes Chaumont durant les beaux jours. Un bébé que Prince S Jeanne chouchoute, qu’iel défend bec et ongles, à raison, car c’est une synthèse de son action, de sa manière de voir et de concevoir son art, son rôle, sa mission.

Que dire d’autre sinon que Prince S Jeanne fait un boulot formidable et nécessaire, pour ne pas dire crucial. Qu’il faut encourager cette démarche, la promouvoir, la porter. Que sa créativité est à la jonction du théâtre, du cabaret, de l’acte militant. Qu’il est dans la continuité d’une véritable tradition queer héritée des années 70, quand le combat pour la reconnaissance débutait. Qu’il nous faudrait beaucoup d’autres political drag monsters du même acabit pour changer les choses et les gens. Que vu l’aura, le dynamisme, le charisme qu’iel dégage, Prince S Jeanne, devrait pour sûr faire rapidement école.

Merci à Etienne Jeannot / prince S Jeanne pour son temps, ses réponses, ce très bel échange.

Pour en savoir plus et suivre l’actu de Prince S Jeanne, consultez son compte Instagram.

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com