Diffusée sur France 2 en septembre 2024, la série documentaire Insoupçonnable : l’affaire du Grêlé explore l’une des affaires criminelles les plus énigmatiques de l’histoire du fait divers à la française. En son cœur, un tueur en série mystérieux qui échappa des années durant à la justice.
Les faits
Entre 1986 et 1994, un criminel commet six viols et quatre meurtres à Paris et en Île-de-France. Parmi ses victimes, des jeunes femmes, des adolescentes, notamment la jeune Cécile Bloch, âgée de 11 ans, retrouvée sans vie dans une cave en mai 1986. Le mode opératoire est significatif :
- des agressions sexuelles suivies de meurtres brutaux ;
- des victimes menacées avec une arme blanche, puis ligotées ;
- une excellente maîtrise des lieux où les crimes sont commis, souvent des immeubles, des ascenseurs ;
- des agressions préméditées, préparées, anticipées dans le moindre détail ;
- aucune trace exploitable, comme si le tueur connaissait parfaitement les méthodes d’investigation et savait les détourner.
L’assassin se présente à ses victimes comme un policier, carte à l’appui, et se sert de cette forme d’autorité pour les soumettre. Celles qui vont survivre témoignent de l’état de sa peau, très abîmée, d’où le surnom que lui donnera la presse : le « Grêlé ».
Une approche factuelle, analytique et pudique
Trois décennies durant, les services de police vont traquer ce tueur, refusant d’admettre qu’il peut s’agir d’un des leurs. Ils arriveront finalement à l’identifier grâce à la toute nouvelle technique de l’analyse ADN, mais ne pourront l’arrêter : François Vérove, ancien gendarme et policier, se suicide en 2021, laissant une lettre où il confesse ses crimes.
Adaptée du livre Le grêlé était un flic de Patricia Tourancheau, la série documentaire signée Elie Wajeman se distingue par une approche à la fois factuelle, analytique et pudique d’une rare qualité. Il s’agit de faire dialoguer :
- la chronologie de l’enquête menée, avec ses écueils, ses obstacles, ses impacts, au travers du témoignage des policiers impliqués, des victimes survivantes et de leurs proches ;
- le travail de profiling opéré par le psychiatre Daniel Zagury, expert en criminologie, qui développe une analyse approfondie de la psyché du tueur, permettant de comprendre les mécanismes internes qui ont conduit à ces actes horribles.
Une esthétique de polar urbain
Parcours d’un tueur qui n’est guère éloigné de ses cousins anglo-saxons (ce qui met à mal la vision du tueur en série à la française motivé par l’appât du gain type Petiot ou Landru), défis rencontrés par les enquêteurs : en quatre épisodes de 52 minutes, Insoupçonnable : l’affaire du Grêlé met en lumière de manière remarquable les failles du système judiciaire de l’époque face à un criminel d’autant plus redoutable qu’il est lui-même policier. La réalisation mise sur une esthétique de polar urbain très sombre pour restituer une atmosphère de claustration, le sentiment de piège probablement ressenti par des victimes très jeunes, des proies faciles.
Les reconstitutions sont réalisées avec une grande attention aux détails, sans tomber dans le spectaculaire. Insoupçonnable : l’affaire du Grêlé allie avec beaucoup de maîtrise rigueur journalistique et narration immersive. En explorant cette affaire criminelle complexe, la série rend hommage aux victimes tout en évoquant les défis persistants dans la quête de justice. L’ensemble s’avère incontournable, aussi bien pour les passionnés de faits divers et de psychologie criminelle, que pour les néophytes en quête d’un travail de décryptage approfondi et pertinent.
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