Je ne me laisserai plus faire : l’heure de la révolte a sonné !

The Artchemists Je Ne Me Laisserai Plus Faire

Bon c’est acté : Gustave Kerven a encore frappé, et dans le bon sens, comme toujours. Diffusé sur Arte le 29 novembre 2024, le téléfilm Je ne me laisserai plus faire balance un grand coup de latte dans la fourmilière de nos petites médiocrités modernes. Et redonne la parole aux laissé.es pour compte. Histoire de faire un peu justice.

Solder les comptes

Tout commence dans un funérarium. Tandis qu’on incinère son fils, que son ex-bru (Marie Gillain) déblatère un discours funèbre déprimant de platitude, Émilie (Yolande Moreau) fait les comptes et décide de les solder. Son EHPAD ? Elle le quitte, de toute façon, elle n’a plus la thune pour payer. Et puis, à 70 ans passés, elle n’a plus beaucoup de temps pour faire payer ceux qui lui ont pourri la vie.

Commence alors un périple aux allures de revenge porn, épopée salvatrice à laquelle s’invite Lynda (Laure Calamy), une femme de ménage qui a tissé un lien d’amitié avec Émilie. Lien qui va tourner à l’affection quasi filial, tandis que les deux amazones vont sonner les cloches à ceux qui ont profité d’elles par le passé.

Une belle brochette de salopards

Dans leur viseur, une belle brochette de salopards : camarades de classe harceleurs, machos violeurs d’un soir, patrons odieux, propriétaires malhonnêtes, compagnons violents et manipulateurs sans comtper le reste … Dans leur sillage, deux flics pas forcément efficaces (Anna Mouglalis et Raphaël Quenard) mais dont on comprendra les bizarreries au fil du récit.

Humour noir, punchlines corrosives, critique sociale acerbe : le duo Émilie/Lynda évoque le tandem Thelma et Louise version France des années 2020. Misère, isolement, mépris, il ne fait pas bon être femme, enfant, vieux, malade et/ou pauvre dans ce monde de merde. Jusqu’à ce que les opprimé.es relèvent la tête et décrètent : « Je ne me laisserai plus faire ».

Justice décapante

Les injustices du quotidien sont légion dans une société précarisée à l’excès, qui favorise les prédateurs, ne protège plus les fragiles. Kerven plante des héroïnes en quête non plus de reconnaissance (Émilie et Lynda ont compris que ça, ça n’arriverait jamais dans un univers aussi dur et impitoyable) mais de dignité. Fini de demander, de faire la manche. La justice dysfonctionne ? Elles vont faire le boulot elles-mêmes, à leur manière. Décapante.

On rit en les regardant foutre le bordel dans ces petites routines d’abuseurs bien à l’abri dans leurs maisons, leur statut social, leur aisance. Clairement, les profiteurs sont ceux qui ont le fric, un job de valeur, des amis, une place, des responsabilités. En fait tous des pourris, des médiocres qui se servent de leur position pour tyranniser le monde. Jusqu’à ce qu’on leur dise « non ».

Call to action ?

On rit certes, mais jaune. On grince beaucoup des dents aussi, car les situations décrites sont loin d’être outrées, dans ces décors vieillots où chaque accessoire, chaque détail complète un portrait, indique un trait de caractère, souligne un comportement. Ce qui ressort du propos de Kerven, c’est surtout ces questions qu’il lance aux spectateurs : pourquoi acceptons-nous de nous faire marcher ainsi sur la gueule sans rien dire ? Quand allons-nous enfin redresser la tête et ne plus nous laisser faire ?

Call to action ? Prémonition ? Il y a de ça, surtout dans les dernières séquences, qui tombent comme un couperet, avant que le film ne se conclue sur une touche poétique, une déclaration d’amour à la beauté, à la force de l’art. Une manière de dire que seul le savoir et la curiosité nous sauveront ? Que ce sont les leviers incontournables de la révolution ? Ce qui est sûr, c’est que Kerven nous encourage vivement à secouer nos consciences et bouger nos culs. Vite. Il y a urgence.

Et plus si affinités ?

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Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !