100 premiers jours, 100 derniers jours d’Hitler : deux livres pour autopsier le cataclysme du Troisième Reich

couvertures des livres les 100 premiers jours d'Hitler et les 100 derniers jours d'Hitler

Je me suis adonnée à un petit exercice de lecture croisée comme je les aime. Dans mon viseur : Les 100 premiers jours d’Hitler de Peter Fritzsche et Les 100 derniers jours d’Hitler de Jean Lopez. 100 jours… un trimestre, trois mois et dix jours. C’est peu. Ce fut suffisant pour accoucher d’un des régimes politiques les plus monstrueux de l’Histoire moderne… et pour l’abattre. Une prise de pouvoir fulgurante, une déchéance inéluctable… Ces deux ouvrages ô combien complémentaires, par delà le foudroiement et la sidération qu’ils relatent, explorent les racines d’un cataclysme baptisé Troisième Reich.

Les 100 premiers jours d’Hitler – Peter Fritzsche : l’accouchement du régime totalitaire nazi

Dans Les 100 premiers jours d’Hitler, Peter Fritzsche part de la nomination d’Adolf Hitler au poste de chancelier en janvier 1933. Il passe au crible le processus de consolidation du pouvoir, insistant sur la rapidité et l’efficacité avec lesquelles Hitler et ses lieutenants mettent en place le régime totalitaire nazi, tout en déployant son idéologie mortifère. Ces trois premiers mois sont marqués par des décisions d’une rare violence : mesures antisémites, dissolution des partis politiques, fermeture des journaux opposants, mise en place de la répression systématique et de l’intimidation.

Hitler démolit au pas de charge la République de Weimar, déjà très fragile et déchirée, pour lui substituer une dictature impitoyable. Les actions entreprises, d’une brutalité inouïe, relèvent d’une stratégie développée dans le temps, fruit d’une logique établie depuis des années. Cette mise en place, Fritzsche l’analyse pas à pas, insistant sur tous ces moments où Hitler aurait pu être écarté du jeu politique allemand. Définitivement. Le sort en a décidé autrement, la lâcheté des uns, l’avidité des autres également. Et la propagande bien sûr, soigneusement calculée pour emporter tout un peuple dans cette tourmente.

Les cent derniers jours d’Hitler – Jean Lopez : l’effondrement du IIIeme Reich

Comme son nom l’indique, Les cent derniers jours d’Hitler de Jean Lopez nous transporte en 1945, durant les derniers mois du dictateur, ceux qui ont vu la défaite inéluctable du Reich nazi. Page après page, dans une approche chronologique impitoyable, nous découvrons un Hitler en proie à une déchéance physique avancée, qui conduit sciemment son pays au chaos. Tandis que le territoire allemand est progressivement envahi par les Alliés, que le Reich s’effondre sous le poids de la guerre totale, le Führer semble complètement coupé de la réalité. Il refuse d’admettre la défaite et continue à orchestrer des stratégies militaires et des décisions politiques absurdes depuis son bunker berlinois.

Jean Lopez décrit l’évolution du dictateur à travers des témoins directs, souvent proches du pouvoir (Goebbels, Speer…) ; il offre l’image d’un homme non seulement rongé par la paranoïa et l’isolement, animé par une volonté destructrice. Ce compte à rebours épouvantable révèle petit à petit une décision atroce : puisque tout est perdu, autant partir en beauté, afin de nourrir l’Histoire et le mythe. L’effondrement semble orchestré par Hitler et ses fidèles, comme une sorte de sacrifice sectaire détruisant toute une population ou presque. Les décisions d’Hitler pendant ses derniers mois, tout comme son refus d’admettre la réalité de la guerre perdue, nous offrent un aperçu profond de la déréalisation et de la dissociation qui caractérisent les grandes figures dictatoriales dans leurs derniers instants de pouvoir.

Réflexion sur une désintégration programmée

Mettre en relation ces deux ouvrages permet d’explorer comment une tyrannie, une fois installée, fonctionne comme un moteur du déni et de la répression, jusqu’à son dernier souffle. Apogée et déchéance : l’isolement intellectuel, la conviction d’être dans le vrai, la mise en place d’une idéologie atroce érigée sur l’opposition entre bons et mauvais Allemands, une méthodologie d’une sauvagerie inconcevable, tout ce qui fit le socle du régime nazi va alimenter sa spectaculaire implosion.

Ironie du sort ou désintégration programmée ? Les deux ouvrages mettent en évidence les rouages d’une dictature et ses dérives de manière flagrante et effrayante. Le style d’écriture, l’usage de références précises, les témoignages cités dressent un tableau saisissant d’une prise de pouvoir fulgurante sur les institutions et les consciences. Un pouvoir qui préférera se saborder, entraînant toute sa population dans sa chute, plutôt que de composer.

Difficile en parcourant ces lignes de ne pas envisager le présent, de ne pas y trouver une grille de lecture particulièrement juste de notre actualité. Juste et angoissante. C’est le but. Car si le IIIeme Reich ne tint que 12 années en lieu des 1000 ans envisagés, il laissa derrière lui des ruines ineffaçables, un traumatisme profond, durable, incurable, et les germes d’une idéologie ignoble qui ne demande qu’à refleurir.

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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