Sissi et moi : une impératrice sans crinoline

The ARTchemists Sissi Et Moi

Vous en étiez resté.e à la Sissi en crinoline pastel plantée par une Romy Schneider souriante et fragile ? Zappez, il y a du nouveau ! Réalisé de main de maître par la cinéaste Frauke Finsterwalder, Sissi et moi (Sisi & Ich dans la langue de Goethe) dépoussière le mythe de la gracile souveraine inféodée à sa puissante et impériale belle-famille pour planter le portrait d’une femme en quête de liberté absolue. Quitte à flirter avec le désastre.

Une femme complexe

Un petit pitch. Nous sommes à la fin du XIXᵉ siècle. Extraite de sa Hongrie natale, la comtesse Irma Sztáray est sélectionnée pour devenir dame d’honneur de l’impératrice Élisabeth d’Autriche. Réfugiée dans un palais en Grèce, cette dernière mène sa vie loin des codes étouffants d’une Cour viennoise qu’elle abhorre. A son contact pour le moins surprenant, Irma va découvrir cette femme complexe, exigeante, cruelle mais attachante, en profonde souffrance psychique.

Paradoxalement, bien que soumise aux caprices d’une Sissi pour le moins névrosée, la dame de compagnie va également découvrir ce qu’est l’émancipation. Le lien qui se tisse entre elles deux s’avère puissant, excédant les limites de l’amitié pour devenir une forme d’amour qui ne dit pas son nom. Confrontée à la douleur psychique qui dévore « son » impératrice, Irma va tout faire pour la protéger, la sauver d’elle-même, la libérer de ces tourments qui la tuent à petit feu. Jusqu’à la dernière seconde et au-delà.

Une fuite en avant

Ce n’est rien de dire que Frauke Finsterwalder démolit avec une certaine jubilation l’image d’Épinal d’une Sissi en crinoline, toute mignonne et humble victime de la cruauté de son rang. Élisabeth d’Autriche (Susanne Wolff) apparaît ici dans toute sa contradiction, séductrice, cruelle, curieuse, bornée, créatrice, révoltée ô combien, borderline également, pourrait-on dire. Éloignée du cœur du pouvoir et d’un mari qu’elle aime mais dont elle ne supporte plus les caresses, elle s’astreint à un régime qui frôle l’anorexie.

Son quotidien mêle des formes subtiles de masochisme et de sadisme, dans une atmosphère particulièrement malsaine, qui a tout de la dérive, de la fuite en avant. Et elle impose ce mode de vie à des suivantes qu’elle a recrutée très spécifiquement pour tenir ce rythme infernal. Face à elle, Irma (Sandra Hüller) fait son initiation à la vie intellectuelle et amoureuse. Une sorte de coming-out qui ira jusqu’au sacrifice ultime.

Libérer les corps et les esprits

Faisant écho au très dynamique et tout aussi malsain Corsage de Marie Kreutzer, Sissi et moi enfonce le clou. Drogue, vomissements, comportements extrêmes, la Sissi de Finsterwalder est une emmerdeuse de façade, qui cache une profonde faille narcissique, un besoin d’amour quasi vampirique. La vieillesse la terrorise, la solitude aussi. Autour d’elle, des servantes dévouées, qui l’idolâtrent, la suivent dans ses délires. Seule Irma, ingénue qu’elle est, saura pénétrer les méandres de cette âme torturée.

Et remédier à cette douleur, de manière radicale. L’amour à mort, en somme, dans cette relation queer sur fond de paysage méditerranéen paradisiaque. Un petit mot des costumes, superbes, qui soulignent la libération des esprits et des mœurs par celle des corps débarrassés des corsets et des jupons. Costumes d’hommes, amples chemises, le refus du diktats de la mode impériale constitue un véritable manifeste féminisme, un appel à la modernité, à l’égalité des genres dans l’accomplissement du quotidien, l’épanouissement de l’être.

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Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !