Trump vs la culture, l’art et l’éducation : tableau critique d’un torpillage artistique intensif

The ARtchemists Trump Vs La Culture

Les articles sur l’actu à chaud, c’est pas forcément notre truc. Mais quelquefois ça a du bon. Je profite donc de la chronique sur le documentaire Opération Trump pour revenir un instant sur le travail de sape culturelle que la figure de proue des MAGA a accompli depuis son retour à la tête des USA. Un travail de sape déjà bien bien entamé via une série de décisions et d’actions coup de poing qui remodèlent (« bousillent», faut appeler un chat un chat) le paysage culturel et artistique des États-Unis. Avec des effets délétères qui dégagent une odeur de souffre fasciste et pas mal de questions de survie artistique.

Haro sur le monde de la culture et de l’art made in USA

Les mesures adoptées manu militari et tout en muscle par Trump et ses séides pour démanteler le tissu créatif américain suivent un process méthodique. Objectif : on tire à vue sur tout ce qui ressemble à de la diversité. Concrètement ça donne quoi ?

La réduction du soutien fédéral aux arts (je traduis : on coupe les vivres)

Trump a réduit les financements pour les arts en modifiant les priorités budgétaires des agences fédérales, notamment le National Endowment for the Arts (NEA). Dans son nouveau plan budgétaire, il a redirigé les fonds vers des projets conservateurs qui reflètent sa vision politique. Un exemple selon le site Axios.com? «The National Endowment for the Arts (NEA) is prioritizing grants to arts organizations that « celebrate and honor the 250th anniversary of the signing of the Declaration of Independence, » per an agency email obtained by Axios.» (Le National Endowment for the Arts (NEA) donne la priorité aux subventions accordées aux organisations artistiques qui « célèbrent et honorent le 250e anniversaire de la signature de la Déclaration d’indépendance », selon un courriel de l’agence obtenu par Axios.) Cette réallocation des ressources met en péril de nombreuses initiatives culturelles qui favorisent la diversité, l’inclusion et l’art non conventionnel.

La dissolution du comité pour les arts et les sciences humaines (je traduis : les musées sont mis en coupe réglée, des expos annulées par dizaines)

Le Comité présidentiel pour les arts et les sciences humaines (PCAH) a été dissous en janvier 2025, annulant ainsi une initiative clé qui conseillait le président sur les politiques culturelles. Ce comité soutenait les projets artistiques fédéraux, mais Trump a opté pour la suppression de cet organisme, réduisant l’impact des conseils sur la direction artistique nationale. Le site beauxarts.com précise : «Dès le 23 janvier dernier, la National Gallery of Art de Washington a été contrainte de mettre fin à tous ses programmes de diversité (présentés comme sa priorité en 2021) et de fermer son bureau d’appartenance et d’inclusion. Même chose, dès le 28 janvier, pour la Smithsonian Institution à Washington, qui regroupe 21 centres de recherche et musées de la ville, dont le National Museum of African American History and Culture.»

La prise en main du Kennedy Center (je traduis : on noyaute les grandes institutions culturelles et on les met au pas)

Comme l’explique Libération, «Donald Trump a pris par surprise la tête du conseil d’administration du Kennedy Center le mois dernier, une décision qui a profondément choqué le monde de la culture (et ça se comprend). Fondée en 1971, cette institution accueille deux millions de visiteurs par an ainsi que plus de 2 200 performances et expositions. Mais Trump a décidé de changer les choses à sa manière car en 2023, «le Kennedy Center a présenté un spectacle de drag-queens visant spécifiquement notre jeunesse». Il a ainsi promis une nouvelle programmation qui «ne sera pas woke».Ce geste a été interprété comme un signe de contrôle sur les formes d’expression culturelle jugées non conformes à son idéologie. Exit donc les spectacles de drag queens au Kennedy Center… et dans d’autres institutions qui ont suivi le mouvement.

Le démantèlement des équipes dirigeantes des institutions (je traduis : on place à la tête des infrastructures des personnes qui nous sont dévouées et qui feront ce qu’on ordonnera sans rechigner)

Ces mesures s’accompagne bien évidemment d’une refonte brutale des équipes directrices. Trump modifie les gouvernances de lieux culturels à qui mieux mieux, virant les membres jugés progressistes, imposant une programmation plus conservatrice, dixit Apnewsà propos du Kennedy Center déjà cité : «President Donald Trump says he is firing members of the board of trustees for the John F. Kennedy Center for the Performing Arts and naming himself chairman» (Le président Donald Trump a annoncé qu’il renvoyait les membres du conseil d’administration du John F. Kennedy Center for the Performing Arts et qu’il se nommait lui-même président).
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La censure et l’intimidation dans le domaine du livre (je traduis : on fait en sorte que les livres qui ne vont pas dans le sens de notre idéologie ne voient JAMAIS le jour)

Les politiques de Trump incluent aussi des formes de censure implicite, en particulier en matière de politique sociale et de représentation de certains groupes. Le monde de l’édition est frappé de plein fouet comme en témoigne cet article du journal Le Monde: «Encouragées par la Maison Blanche, les campagnes d’intimidation visant les librairies et les bibliothèques ont pris une nouvelle ampleur. Leur objectif, bannir des rayonnages les ouvrages sur la sexualité, l’identité de genre ou traitant de la lutte contre les discriminations. La crainte est forte que les éditeurs renoncent à publier certains auteurs.»

Les pleins pouvoirs sur l’architecture officielle (je traduis : maintenant nos villes vont ressembler à ce que nous pensons être le mieux, le plus convenable, le plus approprié, le plus représentatif de la grandeur américaine)

La volonté de torpiller la culture et l’art touche également l’architecture. Comme le souligne un article de beauxarts.com: « le nouveau président des États-Unis Donald Trump a inauguré son mandat par la signature de nombreux décrets, dont un visant à imposer un certain style d’architecture aux bâtiments publics américains. Baptisé « Promouvoir une belle architecture civique et fédérale », ce dernier ordonne que les futurs bâtiments publics recourent à une architecture « traditionnelle, régionale et classique » afin de redonner sa « noblesse » à la nation américaine ».

Un démantèlement méthodique et expéditif

Investiture le 20 janvier 2025. A peine deux mois plus tard, l’ensemble des structures culturelles américaines est touché en profondeur. En parallèle, les mesures visant à protéger l’environnement, les politiques sociale et d’intégration subissent le même sort. Le démantèlement de la fresque « Black lives matter » symbolise cette politique d’effacement menée de manière expéditive pour revenir au modèle d’une Amérique WASP où il ne fait pas bon être de couleur, femme, queer, athée ou autre que protestant et pauvre.

Culture et patriotisme

Au cœur du non-programme culturel de Trump, la tradition et l’histoire de l’Amérique blanche. Dans ses discours comme dans ses actions, Trump fait le lien entre culture et patriotisme. Sa vision de l’art valorise clairement l’identité nationale, au détriment des tendances artistiques contemporaines ou progressistes. Sa politique culturelle s’inscrit donc dans une logique de défense des « valeurs traditionnelles » de l’Amérique, excluant souvent les expressions artistiques qui, selon lui, remettent en question ces valeurs. Expressions artistiques actuellement mises à mal par les récentes décisions. Nous avons évoqué les secteurs impactés, l’architecture étant un exemple particulièrement frappant de cette politique rétrograde. Une autre facette est révélatrice : la conception pour le moins rétrograde de l’éducation artistique et des subventions fédérales pour les arts.

Sous sa première administration déjà, Trump avait tenté à plusieurs reprises de réduire ou d’éliminer le financement de certaines initiatives éducatives en lien avec l’art et la culture, notamment celles qui soutiennent les programmes d’arts dans les écoles publiques.Dans le cadre de son budget proposé pour 2018, il avait proposé de couper les financements de l’Art and Humanities Program et du National Endowment for the Arts (NEA) cité précédemment du reste. Or ces institutions sont au coeur de la promotion de l’éducation artistique et de la création culturelle. Mais leurs programmes ont été jugés par l’administration Trump comme des dépenses inutiles dans un contexte de réduction drastique des budgets publics, notamment pour des activités considérées comme « non essentielles ».

Éducation rentable et non marxiste

Dans ses propositions budgétaires, Trump met l’accent sur un soutien accru pour les initiatives éducatives liées aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques. Cette vision est en grande partie motivée par le désir de moderniser l’économie américaine et de répondre aux besoins d’une économie de plus en plus tournée vers la technologie. En d’autres termes, on arrête d’investir dans des programmes perçus comme « non rentables », ignorant au passage l’impact des arts sur l’esprit critique, la créativité et la culture civique, des valeurs essentielles à une société démocratique. Avec en prime le dégraissage violent entrepris par Elon Musk au sein des administrations américaines, le département de l’éducation se retrouve à la peine, le ministère menacé d’une dissolution complète, cf Slate.

Petite précision qui date de là tout de suite via les médias et plus spécifiquement Le Monde: Trump vient de signer le décret sabordant le ministère de l’éducation. L’ensemble de ses prérogatives, si jamais le Sénat valide cette décision au terme d’un vote exigeant 60 voix sur 100 passerait aux Etats, qui feraient alors ce qu’ils veulent avec l’éducation. Exit donc ce chantier initié par un Jimmy Carter désireux de promouvoir l’égalité des chances face à la transmission des savoirs. Et l’occasion pour le clan trumpiste de dénoncer un projet mené par une bureaucratie marxiste et à forte tendance raciste (comprenez « anti-blanc »).

La fac visée en profondeur

Rien de surprenant au finish. Le démantèlement du ministère de l’éducation va de pair avec le dynamitage en règle des universités. En mars 2025, l’administration Trump a annoncé l’annulation de 400 millions de dollars de subventions fédérales à l’Université de Columbia (l’une des plus prestigieuse du pays quand même dixit Fundit.fr qui précise : «Classée 1re aux États-Unis pour la recherche, elle figure au 6e rang mondial (4e aux États-Unis) du classement CUWR des 1000 meilleurs universités mondiales et au 8e rang mondial du Classement Shanghai des universités. L’université administre chaque année le Prix Pulitzer. » ). Cette décision était motivée par ce que l’administration considérait comme une inaction face au harcèlement présumé d‘e ’étudiants juifs sur le campus, en violation des lois fédérales antidiscriminatoires.

Un prétexte. D’autres sont concernées. Selon Newslooks.com, l’administration Trump a ainsi suspendu 175 millions de dollars de financement fédéral à l’Université de Pennsylvanie en raison de ses politiques concernant les athlètes transgenres, qualifiées de « dégradantes, injustes et dangereuses pour les femmes et les filles ». Les exemples de ce type pullulent. Toutes les facultés américaines se retrouvent donc confrontées à un dilemme : se conformer aux directives de l’administration pour éviter des pertes de financement fédéral et des enquêtes, ou résister et risquer des sanctions financières. On imagine l’ambiance dans les campus : suppressions de postes, refus de bourses, sujets de thèse rejetés car non conformes à la nouvelle idéologie, programmes de recherches scientifiques impactés.

Des retombées catastrophiques

On imagine bien qu’avec pareil traitement de choc, les USA vont tanguer à plus d’un titre. Pas besoin d’être voyante pour se faire une idée assez sombre de l’avenir scientifico-artistico-culturel du pays.

Une vision culturelle vitrifiée

Selon ce modèle culturel reposant sur un nationalisme culturel étroit, seules les voix et les perspectives jugées conformes à une certaine version « patriotique » de l’Amérique vont être valorisées. La culture va s’uniformiser (c’est déjà bien parti avec l’hégémonie du modèle de récit netflixien et la main mise des réseaux sociaux), les formes d’art alternatives marginalisées. Exit l’expérimentation et l’innovation.

La régression des libertés artistiques

Censure à tous les niveaux = contrôle des contenus culturels = réduction de la liberté d’expression et de création. Exit l’accès à des œuvres critiques abordant le racisme, les inégalités sociales ou la diversité des orientations sexuelles, virées des collections de musées, des classes, des sujets de recherche ; exit également l’émergence de jeunes artistes visionnaires du moins par le biais des circuits éducatifs publics (traduction : il faudra avoir de l’argent pour accéder à une formation culturelle digne de ce nom).

Déclin intellectuel en vue

Petit rappel : les arts et l’éducation créative sont essentiels pour développer la pensée critique, l’innovation et l’empathie. En éradiquant ces disciplines, on prive les générations futures de l’outillage intellectuel nécessaire pour comprendre et naviguer dans des sociétés complexes et mondialisées. Et cerise sur le gâteau, on enclenche la raréfaction des talents créatifs nécessaires pour renouveler la scène artistique mais aussi l’industrie cinématographique, musicale et littéraire des États-Unis.

Conclusion en forme de résistance

C’est le soft power à l’américaine qui va en prendre un sacré coup. Quelle marge d’action pour les acteurs du secteur ? La démission outragée ? L’annulation des spectacles ? Les manifs ? Les pétitions ? La mobilisation collective devient une urgence pour renforcer les réseaux de soutien et les coalitions afin de défendre les droits artistiques et promouvoir la diversité culturelle.​ Cela passe par :

  • L’engagement juridique aka contester les décisions gouvernementales perçues comme anticonstitutionnelles ou portant atteinte à la liberté d’expression devant les tribunaux.​
  • Le plaidoyer public, la sensibilisation via les médias aux enjeux actuels de la liberté artistique, afin de générer un soutien large et informé.​
  • La diversification des financements. L’argent, c’est le nerf de la guerre il va falloir trouver des sources de financement alternatives, mécénats privés, campagnes de financement participatif, subventions internationales.

Dans un contexte de crise internationale, pas évident que ça marche. Reste la rébellion. Le travail en clandestinité. Le retour au DIY. Le partage des moyens, des connaissances. L’art confronté à la connerie humaine de masse type fascisme a toujours trouvé des manières de s’organiser pour survivre. A suivre donc avec attention et le doigt sur le clavier pour repérer/partager/soutenir ce que feront les artistes américains pour ne pas se laisser égorger comme des moutons.

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !