The Night Of : voyage au coeur des ténèbres judiciaires américaines

The ARTchemists The Night Of

Savoir faire de HBO + scénario pour le moins alambiqué + esthétique particulièrement glauque = The Night of. Inspirée du très britannique Criminal Justice diffusé en 2008, The Night Of (2016) propose une version new-yorkaise de ce thriller judiciaire prenant sur fond de féminicide sanglant et de racisme primaire.

Moins de 24 heures pour sceller un destin

Tâchons de pitcher la chose sans spoiler : Nasir Khan (Riz Ahmed) est un jeune étudiant d’origine pakistanaise, issu d’une famille modeste qui vit dans le pourtour de New-York. Un soir, Nasir emprunte discrètement et sans autorisation le taxi de son père pour se rendre à une soirée étudiante. En cours de route, une jeune fille monte dans le taxi. S’ensuit une folle nuit d’amour ponctuée d’alcool et de drogue. Problème (gros problème) : au petit matin, Nasir se réveille dans la cuisine de sa conquête, conquête qui gît poignardée dans son lit au premier étage dans une mare de sang.

Incapable de se souvenir de quoi que ce soit, complètement paniqué, Nasir s’enfuit, laissant autour de lui nombre de traces, emportant au passage le couteau qui a visiblement servi à tuer la demoiselle. Et il est arrêté à quelques mètres de là, au volant du taxi de son père, pour une infraction bénigne. Mais très vite, les policiers vont comprendre qu’il est mêlé à ce meurtre atroce. Et de là à l’inculper d’assassinat, il n’y a qu’un pas, très vite franchi. En moins de vingt-quatre heures, le sort du jeune homme semble scellé.

Le grain de sable dans la mécanique

Or dans toute mécanique de ce genre, il y a un grain de sable. Ici, le grain de sable s’appelle Jack Stone (John Turturro), un avocat sans grande envergure, rongé de psoriasis et d’allergies, qui écume les commissariats du secteur en quête de clients à faire sortir rapidement : vols, racolages, dealers, son quotidien, ce sont des infractions mineures. Mais avec Nasir, il s’agit d’une histoire de meurtre avec, à la clé une condamnation à la prison à perpétuité. L’enjeu est d’autant plus important que Nasir est victime d’un racisme anti-musulman particulièrement malsain, que toutes les preuves l’accablent, et qu’il cache un passé pour le moins complexe.

Et puis il y a les requins qui naviguent autour de ce dossier : un flic proche de la retraite et désireux de découvrir la vérité, une procureure tenace et convaincue, une avocate qui voit là l’occasion de se faire une réputation, un taulard en mal de rédemption, entre autres. Jack Stone va devoir ruser pour continuer de protéger ce jeune client pas si naïf qu’il paraît au premier abord et dont on questionne sans cesse la culpabilité. Les scénaristes Richard Price (auteur notamment du roman Clockers ) et Steven Zaillian (oscarisé pour La Liste de Schindler), en vétérans aguerris de l’écriture télévisuelle et cinématographique, jouent ici brillamment avec les nerfs des personnages et du public.

Un réalisme saisissant

Un jeu de lenteur, d’introspection. Gros plans sur les regards, les visages. Le premier épisode égrène les secondes de cette longue nuit, l’attente interminable au poste, en cellule. La sidération, l’anxiété, l’incompréhension, le doute. Dans les yeux de Nasir, on lit l’effroi : que va-t-il advenir de lui ? Tandis qu’il mesure l’ampleur du désastre ? Qu’il comprend petit à petit que sa vie vient d’imploser ? A-t-il massacré cette pauvre fille pour qui il a éprouvé plus que de l’attirance ? Sinon qui ? Quid de sa survie dans un milieu carcéral où le viol et le meurtre de femme sont considérés comme inacceptables et punis de mort par des codétenus d’une rare sauvagerie ?

Le rythme des séquences de ce récit sombre ô combien alterne entre moments de calme et montées en tension, créant une atmosphère oppressante où chaque choix peut mener à la catastrophe. Le tournage a été marqué par une volonté de réalisme saisissant. New York constitue un personnage à part entière, avec ses rues bruyantes, ses quartiers délabrés, ses commissariats oppressants, ses tribunaux froids, ses prisons sans âme. L’esthétique de la série, grise et sombre, rend parfaitement compte de la déshumanisation d’un système judiciaire, sinon corrompu, du moins très imparfait.

Car personne ne sortira indemne de cette histoire. En mal comme en bien. C’est l’autre intérêt de la série que de souligner les remises en cause que chaque personnage doit assumer, embrasser. L’onde de choc sera immense pour tous y compris pour le spectateur qui ressort de la série défait, secoué, impacté. Et certainement beaucoup plus nuancé sur son rapport à la vérité, aux évidences, aux convictions toutes faites.

Et plus si affinités ?

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com