Les Tudors : masculinisme made in Renaissance ?

The Tudors

Dernièrement, j’ai visionné Adolescence… et parcouru les centaines d’articles/posts/vidéos analysant la série brintannique du point de vue du masculinisme toxique et destructeur, comme si c’était un modèle du genre. Et puis je me suis rappelée la série Les Tudors. Que j’ai revisionnée dans la foulée, les quatre saisons en mode binge-watching comme j’adore le faire. Et pour être franche, en bouclant ce passionnant feuilleton, pour ce qui est du masculinisme toxique, on fait difficilement pire.

Une fresque monumentale et burnée

Il faut dire que le personnage central de cette saga, Henri VIII pour ne pas le nommer, a de l’abattage en la matière, éclusant cinq femmes durant son règne, qu’il répudie ou fait décapiter au choix, quand elles ne meurent pas en couche. La seule à lui survivre sera la dernière, Catherine Parr, mais il s’en sera fallu d’un cheveu qu’elle ne subisse le sort d’Ann Boleyn ou Catherine Howard, toutes deux livrées au bourreau et raccourcies de manière expéditive. Bref, Henri VIII est un ogre, Barbe-Bleue version souverain du XVIᵉ siècle, souverain éduqué, savant même, mais absolu, tyrannique, violent, changeant, colérique, manipulateur et la queue baladeuse par-dessus le marché.

J’en étais restée à une vision rock’n’roll, burnée et libertine/libertaire de ce récit signé Michael Hirst, scénariste et showrunner de renom dont on ne compte plus les trophées, notamment les deux volets du film Elizabeth avec Cate Blanchett. Mais revoir les 38 épisodes de cette monumentale fresque servie par un casting de compétition (Jonathan Rhys Meyers, Henry Cavill, Sam Neill, Natalie Dormer, Joely Richardson, Peter O’Toole, Jeremy Northam…) a été profitable, car j’y ai repéré des trucs que je n’avais pas captés initialement.

« Mais c’est une vraie girouette, ce mec ! »

Entre autres, le côté prédateur du personnage, qui bouffe tout autour de lui, épouses et maîtresses bien sûr, mais aussi collaborateurs, ministres et amis, sans parler de sa progéniture qui y laissera sa stabilité mentale. Si ce récit pour le moins enlevé prend bien des libertés avec la vérité historique, il n’en demeure pas moins que cela donne du relief aux crises existentielles que traversent cette sarabande de protagonistes soumis aux desiderata d’un monarque pour le moins impulsif et retours, que mon compagnon, qui visionnait la chose pour la première fois à mes côtés a résumé en ces termes : « Mais c’est une vraie girouette, ce mec ! ».

Girouette certes, qui passe sa vie à s’allier avec l’Espagnol contre la France, puis à tourner casaque pour s’allier avec la France contre l’Espagne. Qui n’hésitera pas à plonger son royaume dans une crise religieuse meurtrière, embrassant le protestantisme pour pouvoir se démarier de l’encombrante Catherine d’Aragon, convoler avec la farouche Ann Boleyn et en profiter pour démanteler tous les couvents/monastères du pays et faire main basse sur leur richesse, omettant au passage que nombre de ces institutions étaient essentielles à la survie des plus pauvres de ses sujets qui y trouvaient asile et un peu d’aumône.

Shakespeare made in Marvel

Entre épidémie de suette, famine, guerres et complots, Henri VIII et sa smala de bonnes femmes, de courtisans et de moutards est, reconnaissons-le un peu obligé de naviguer avec le vent très changeant de la Renaissance. Humaniste certes mais un brin pervers narcissique et totalement obsédé par l’idée d’avoir un fils à qui léguer sa couronne. Tout ça ne pousse guère à la sérénité, convenons-en. Mais tout de même. Masculiniste donc, menaçant, capricieux… et confronté à des épouses qui ne s’en laissent pas compter, chacune à sa manière. Forcément, Monsieur n’aime guère et en arrive aux plus fâcheuses extrémités pour se débarrasser d’encombrantes compagnes qui lui renvoient une image peu amène.

Résumons. Tout ce petit monde passe son temps et les 38 épisodes à bouffer/baiser/comploter/trahir/s’entretuer. Ça, c’est pour le côté Shakespeare made in Marvel, saga historique dans des décors somptueux et en costumes éclatants (d’ailleurs, petite remarque en matière de réalisme stylistique, la série Wolf hall est beaucoup plus proche des looks et du lifestyle de l’époque). Après, la déclinaison d’un patriarcat doublé d’un machisme viscéral est flagrante et donne à réfléchir sur l’ancrage de cette mentalité dans les racines de notre monde. Idem pour le côté génétiquement pervers et sadique de l’homme de pouvoir.

Les Tudors reste malgré tout incontournable. Parce que c’est franchement du grand spectacle, de la série tout terrain travaillée au corps, avec un scénar qui tient la route, des personnages solides et crédibles, des affrontements prenants. Pas un instant de répit, l’ensemble prend aux tripes et restitue le climat de grande brutalité qui régnait alors. Et puis ce récit haut en couleurs et en émotions, produit de 2007 à 2010 (il y a donc 15 ans) témoigne de l’émergence du business de la série-fleuve. Et rien que cela vaut le détour.

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Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !