Samedi 22 octobre 2011 : ma première zombi pride. Un tournant : c’est que je voulais en faire une depuis longtemps et pour différentes raisons :
- Historique : le zombie est l’émanation moderne du transi, cadavre semi décomposé qui s’agite dans les danses macabres médiévales, les ars moriendi. Et depuis ma thèse consacrée au surnaturel dans le théâtre élisabéthain – je dis ça, je dis rien, il constitue pour moi une énigme temporelle.
- Sociale : Les morts-vivants ont envahi l’univers cinématographique, pictural, littéraire, les jeux vidéos, le tatouage, la mode même… j’ai eu l’occasion par exemple d’essayer des chaussures à talons hauts 12 cm décorées avec des zombis…
- Thérapeutique : A 16 ans, je découvrai le chef-d’œuvre de RomeroDawn of the living dead, programmé à pas d’heure sur Canal + en VO. 25 ans plus tard, je m’en souviens encore : j’ai fini cette nuit de juillet sous trois couches d’édredons et tous mes nounours empilés (alors qu’on crevait de chaud et que ma mère dormait dans la chambre d’à côté) tellement je tremblais de peur. Une terreur transmuée en coup de foudre.
1 photographe pour 5 zombis
Depuis je bouffe du zombi (beurk, c’est pas bon). Boulimique. Avide. Curieuse de comprendre. AOA Prod m’en a donné l’occasion qui organisait cet event dans les rues de Lyon (entre autres faits d’arme, vu que le collectif mené par Jal donne aussi dans les subcultures et les soirées décalées dédiées aux films d’horreur, à la scifi…). Ils furent les premiers à avoir téléporté le principe en France. Principe désormais appliqué à Paris, Toulon, Bruxelles, Oslo… Des pionniers. Avec une mécanique bien rodée : un thème précis, des maquilleurs, un défilé, une conclusion en forme de bataille zombi vs autre chose, robots, fleurs…
Cette année-là, ça aurait pu être les journalistes et les photographes, tant il y en avait sur site. En moyenne 1 pour 5 zombis. Et des zombis, il y en a eu entre 6 et 700. Un record ! Cette marée inhumaine s’est déversée les tripes le long des pentes lyonnaises, traînant après elle les curieux dont elle dévorait certains spécimens à intervalles réguliers, pour finir par un haka géant. Et si vous ne me croyez pas, consultez les clichés réalisés par le photographe Jeff Bussière, cela vaut toutes les descriptions.
En tout et à vue de pif donc, 1000 personnes qui sont parties de l’esplanade de la Croix Rousse pour terminer leur course devant les marches de l’Hôtel de Ville, place des Terreaux. Une 5ᵉ édition en forme de succès avec un retour aux sources que sont le vaudou et la sorcellerie qu’il porte, un concert organisé à la nuit tombée sur le mode zombi avec des groupes spécialisés dans le genre (je vous l’avais bien dit que le zombi était partout), le tout précédé d’une soirée nanar zombi.
Ambiance de carnaval
Une couverture presse importante dont nous avons attendu que le flot se tarisse pour produire notre propre compte rendu, fondé sur plusieurs constatations :
- un évènement fédérateuroù se retrouvent des personnes issues de milieux et de générations différentes ; goths, métalleux, passionnés du genre, maquilleurs, artistes, graphistes, mais aussi de simples quidams, des couples, des enfants, des familles venues là pour s’amuser et être ensemble ; certains parleront de moments de partage, sentiment que l’on retrouve en filigrane dans l’affluence des photos partagées sur Facebook comme un album de famille ;
- unekermessequi mêle l’exubérance du Carnaval, la joie des fêtes de quartier, la catharsis propre aux Dias de los muertos, la cour de récréation, la Nef des Fous … un exutoire sans conteste, le besoin de se lâcher, d’échapper au quotidien et de vivre un rêve effroyable et une bonne crise de rire le temps d’une après-midi ;
- une inventivité incroyable; la recherche des maquillages et des costumes en a surpris plus d’un et les participants se sont défoncés pour sortir du lot avec des tendances allant du gore total à la Vanité mexicaine ;
- un spectacleoù chacun s’investit et joue son rôle, avec hurlement, grognement et déambulation (j’avoue d’ailleurs que le fait de piétiner en mode zombi est épuisant de chez épuisant et que je suis rentrée morte de chez morte, zappant le concert pour aller prendre un bain et tomber dans le coma jusqu’à la résurrection du lendemain matin).
- un sacré sens de l’humoursi l’on en juge par la présence des Agents Oranges qui ouvraient le bal (grand moment).
« Zombify me !!!!! » : vive les maquilleurs
Bon, je pense que vous l’aurez compris : pas de Zombi Day sans maquillage. Si certains étaient venus déjà grimés, appareillés et dégoulinants de sang comme la charmante demoiselle qui nous parlait tantôt, d’autres ont eu la joie de se faire zombifier sur place par la vingtaine de maquilleurs venus exprès pour l’évènement. Une vingtaine, oui, oui et c’était pas gagné deux jours avant puisque je recevais un mail de JAL de AOA : «On n’a que quatre maquilleurs. Tu pourrais pas nous filer un coup de main ?» Bah mon JAL ? Et mon immunité journalistique alors ? Au panier !
Prothèses et pinceaux
Je débarque le samedi à 14h avec pinceaux et éponges… pour constater que la place a été sérieusement prise d’assaut. Plus un produit de libre, les sièges sont tous occupés. Les maquilleurs ont tous rappliqué en masse au dernier moment. Bah, je fais quoi moi ? Mon taff de journaliste. J’observe. Je photographie. Et j’interroge. Ainsi Greg, un pro des FX, digne propriétaire de L’Atelier du grimeur, venu apporter sa contribution au titre de prothésiste et qui rivalise d’inventivité pour appareiller ses modèles de prothèses ultra-travaillées.
Latex, colle, prothèse = appareillage lourd. Un choix esthétique que tous ne suivent pas. Eh oui, il existe plusieurs voies de zombification, mes frères zé mes soeurs, pas forcément impénétrables puisque, ne reculant devant aucun danger, j’ai moi-même suivi le dur chemin de l’intronisation zombiesque sous les coups de pinceaux d’une charmante demoiselle venue expressément de Chambéry (je vous l’avais dit, le zombi fait courir le monde) pour ME zombifier. Quelle chance !
Zombi des premières heures
Vic n’est pas très prothèse, son truc, c’est le fard, le maquillage en mode théâtre et burlesque. Une autre école donc pour un zombi pas forcément plus sexy, moins spectaculaire mais tout de même plus light, une sorte de zombi des premières heures, quand les chairs tiennent encore et que le corps est à peine refroidi. J’avais en effet demandé un maquillage léger, étant sujette à des allergies et pas spécifiquement désireuse de finir le restant d’un séjour lyonnais chargé de rendez-vous au fin fond d’une chambre d’hôpital sous traitement de cortisone (ouep, faut quand même le savoir, se faire zombifier peut ne pas être un plus pour la santé, surtout pour ceux qui font des réactions à certains produits type latex et qui l’ignorent).
Vic m’a donc transformée à grand renfort de fonds de teint et de fards. C’est donc en mode primo-contaminée que je me suis lancée à corps perdu (normal pour un zombi qui en perd des bouts tous les 500 mètres, ah ah ah, humour, ok c’est nul, je sors …) dans la cavalcade qui suivit, histoire de prendre un bon bain de foule, de soleil et de sang. En tout cas il faut croire que j’étais très très très convaincante en aspirante zombi vu le nombre de personnes qui m’ont arrêtée dans la rue pour savoir si j’étais malade ou si je m’étais fait agresser.
Comme quoi, il faut le vivre pour en parler. En résumé, un excellent moment à expérimenter, avec de très belles rencontres,