Il y a deux semaines, nous laissions les Rustres finir d’enregistrer leur album. Récit poignant d’un enfantement artistique … et un mot qui revient en boucle … Berdérol.
Un nom … celui d’un personnage central. Pas un héros à proprement parlé mais une figure, un symbole … directement inspiré du Candide de Voltaire, une sorte de Kaspar Hauser musical qui irrigue l’album depuis le premier morceau jusqu’à la dernière note. Un fil conducteur ? En l’intégrant, Les Rustres ont construit Un peu d’air comme une fable des temps modernes, un apologue musical. Berdérol se retrouve confronté aux aléas et à la violence de notre époque, chaque chanson marquant ses désillusions, rencontres, espoirs.
Par ses mésaventures, il reflète les méandres et les dérives du monde moderne dans ce qu’il a de plus trompeur et de plus dangereux. De fait, l’album propose un voyage initiatique au sein de divers univers musicaux, même si le vecteur principal de cette quête demeure la chanson française. Dans pareil contexte Berdérol se charge d’une émotion terrible, que le groupe a tenu à décliner sous toutes ses facettes.
Voilà pourquoi progressivement au cours du projet, le personnage s’est détaché des paroles pour prendre corps par le dessin puis en trois dimensions, sous forme d’une marionnette. Une marionnette présente sur la vidéo … et le plateau. Comme un personnage à part entière. Une projection des peurs, des angoisses, des espoirs exprimés par l’album.
Chanté dans la première chanson, Berdérol a petit à petit gagné ces grands yeux d’extra terrestre, ce regard de bulle et cette blancheur de Pierrot. Un clown blanc aux allures d’enfant. Une identité en apparence « Vide » (comme le dit la chanson éponyme) mais finalement suffisamment puissante pour investir le artwork inspiré du Cri de Munch et déterminer toute l’identité visuelle du projet.
Les Rustres reviennent sur cette figure centrale et sur le rôle que la marionnette joue dans leur évolution artistique :
« L’histoire commune de la Roulette Rustre et des marionnettes, ça remonte à loin… Environ au début de l’année 2006. A cette époque Flo avait un physique de coureur de fond, et tout le monde se dandinait sur scène ! Déjà, des petites poupées avaient été bricolées par Olf, l’ingé lumière, avec des moteurs d’essuie-glace, pour les animer. Elles avaient leur place en concert, à côté des 7 Rustres de l’époque. La preuve en images, lors d’une des premières éditions du mythique JDM festival :
Et puis il y a eu le projet de tournée « Nomad’s land » durant lequel la Roulette Rustre devait partir sillonner l’Europe en roulotte, avec ses amis marionnettistes du Nomad Theater. Mais le projet a avorté. Ensuite, il y a eu Dimkop Kabaret, dont nous vous avons parlé lors du Chapitre 1 de cette série d’articles « Mieux que des sources, un socle » : un spectacle cabaret rock-lyrique déjanté, qui a vu les prémices de la chanson « Nomad’s land » parlant déjà d’un certain Berderol… Mais ce Berderol de l’époque n’avait pas de forme, pas d’histoire, juste la frivolité du vert verdier (une espèce d’oiseau).
Toutes ces amorces ont fait leur chemin dans la tête des Rustres… Lorsqu’ils se retrouvent en septembre 2010 pour poser les nouvelles bases d’un groupe en plein doute, en pleine reconstruction, vient l’idée du personnage symbolique. A cette époque, la Roulette a besoin de transcender sa propre expérience (douloureuse) grâce à l’invention d’un personnage en partie autobiographique. « Nous le voulions blanc, vide, naïf, crédule, et un peu maladroit, avec beaucoup de traits de caractères similaires au Candide de Voltaire. Son premier nom sera « Blank ».
Rapidement, nous devons lui trouver une histoire, un univers… Alors on imagine un paysage intemporel, à la fois futuriste et passéiste, désuet, un peu comme dans La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Genet. Avec une poésie presque inquiétante. Un paysage post-industriel, avec des engrenages, des structures métalliques rouillées. Un peu comme le nord de notre région, la Lorraine ! Et il doit s’en échapper, fuir l’imposé qu’on lui plante devant le nez.
Pour donner corps à ce personnage, on en vient à imaginer une marionnette. Elle s’appellera finalement « Berderol » en référence au personnage de la chanson « Nomad’s land » qui ne peut être que ce candide… Et cette chanson appelle à la fuite et au vol. Parfait pour notre Berderol ! Vient alors la phase technique avec Philippe Mercy, marionnettiste. Le travail sur la blancheur, les yeux vides, la crédulité, amène aux premières ébauches :
Puis Berderol commence à se mouvoir, à prendre vie, à entamer son voyage initiatique pour se remplir d’émotions. L’album se construit donc sur l’imaginaire du voyage de Berderol au sein de divers univers musicaux. Il tente de se sortir des décombres de ce monde en perdition et de trouver « un peu d’air ».
Et plus si affinités
Un peu d’air – La Roulette Rustre
Un peu d’air – La Roulette Rustre : le souffle du changement ?
Un Peu d’air – La Roulette Rustre / Chapitre 1 : mieux que des sources, un socle
Informations
http://www.larouletterustre.com/
http://www.facebook.com/group.php?gid=103617946188&ref=ts
http://www.culture.youvox.fr/Musique-stress-et-paillettes-Part,94.html