
En règle générale, quand on aborde la question de la Shoah, c’est pour en retracer l’atroce déroulement. Ce n’est jamais aisé. Mais il est encore plus complexe d’aborder la question de l’héritage, de la mémoire, de la manière dont elle pèse sur les jeunes générations. Dans A Real pain, Jesse Eisenberg évoque ce sujet glissant avec beaucoup de pudeur, de justesse, presque avec poésie.
Une longue route
David et Benji sont cousins, trentenaires et juifs américains. Désireux de rendre hommage à leur grand-mère tout juste disparue, ils partent en Pologne sur les traces de cette rescapée de l’Holocauste. Grands hôtels, quartiers juifs, camps de concentration… la route sera longue jusqu’à la petite maison natale de cette aïeule respectée et redoutée dont la mort les a profondément touchés.
Car chacun à sa façon a vécu la chose comme un petit séisme. Et l’arrivée en Pologne où la mémoire du génocide alimente un tourisme florissant va précipiter la crise. Une crise salvatrice, une sorte de catharsis où affleurent les contradictions, la douleur réelle et profonde d’être issu de ce cataclysme, d’en porter la trace sans en saisir la véritable portée.
Le tourment et la paix
David l’introverti, Benji le dépressif, leurs compagnons de route, leur guide, tous sont en quête du passé pour mieux se comprendre, définir leur trajectoire, se positionner par rapport à l’énorme culpabilité doublée d’incompréhension qui les ronge. Le film est qualifié de comédie dramatique. Il n’a en fait rien de drôle. Il est surtout extrêmement touchant, sincère.
La colère face à l’horreur est là, incontournable, logique. Mais cette rage doit-elle nous empêcher de vivre ? Le personnage de Benji, incarné par le charismatique et si fragile Kieran Culkin (quelle prestation!) résume ce tourment que la disparition de la grand-mère a intensifié. A l’inverse, le discret et anxieux David (Jesse Eisenberg, exceptionnel) dessine une volonté de pacifier la relation au passé.
Une intensité rare
La réalisation d’Eisenberg se distingue par sa simplicité, sa fluidité. Tout est fait pour saisir les réactions des personnages confrontés aux étapes de ce parcours, aux émotions contradictoires mais puissantes qu’elles suscitent. Ce petit groupe va mettre en commun les détresses, les attentes, les frustrations, tentant de donner un peu d’humanité à ce pèlerinage.
Véritable fil directeur sonore du film, la musique de Chopin souligne l’émergence de ces impressions contrastées, les différents temps de ce voyage initiatique, les retrouvailles de ces deux cousins qui s’adorent, se complètent, se protègent mutuellement, même si la vie les a éloignés. Eisenberg accouche ainsi d’un film surprenant et décalé, d’une très grande fraîcheur, d’une authenticité, d’une intensité rare.
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