Les Adieux à la reine : un roman, une version cinématographique … et l’éternel questionnement sur les risques d’appauvrissement que comporte l’adaptation à l’écran d’une écriture sidérante de justesse sur le papier. Explications.
Un pouvoir qui refuse les compromis
14 juillet 1789 : alors que les parisiens prennent la Bastille, massacrent la garnison, et sonnent le glas d’une monarchie absolue déjà vacillante, Louis XVI revenu bredouille de la chasse, note dans son journal : « Rien ». Aveugle, coupé du monde et de ses réalités, enfermé dans la bulle versaillaise avec toute sa Cour. Tous vont violemment recouvrer la vue pour voir leur monde s’effondrer.
Ce sont les premiers coups de cet effondrement que Chantal Thomas a consigné dans son roman de 2002 Les Adieux à la Reine. Les journées qui suivent le 14 juillet y sont racontées par les yeux de la lectrice de la souveraine. Une jeune femme issue de petite noblesse miséreuse, totalement dévouée à une Marie Antoinette qu’elle adule, jusqu’à la passion. Et qui va brutalement perdre ses œillères.
Tout se joue en ces instants dramatiques, où la plupart des aristocrates fuient la famille royale pour sauver leurs têtes qu’ils savent soudainement compromises et mises à prix. Seul le couple régnant restera, entouré de rares fidèles, pour vivre le séisme politique qu’on connaît. Le roman est de fait très poignant, sans concession, humain en même temps. Il pose les bonnes questions sur la dérive d’un pouvoir qui refuse les compromis.
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Timing plausible vs Marie-Antoinette mania
Quant à son adaptation cinématographique opérée en 2011, presque dix ans après l’écriture de l’ouvrage, elle aussi pose questions :
Décors superbes, costumes de toute beauté : le film respecte en partie la cohésion narrative du roman. On retrouve ce désir de montrer l’envers du décor, le contraste entre le luxe incroyable des appartements princiers et les chambres misérables des nobles entassés là pour plaire au roi, l’insalubrité du lieu construit sur des marais mal asséchés qui attirent moustiques et maladies.
Obligé de tenir un timing narratif plausible, le réalisateur Benoît Jacquot rend compte de la panique qui saisit la Cour quand elle comprend l’ampleur des dégâts : fuites, infarctus, suicides, … Citons la séquence où la lectrice (fiévreuse Léa Seydoux) est appelée aux côtés d’une Marie Antoinette désorientée (Diane Kruger sait parfaitement prêter à son personnage ce mélange de légèreté, de dépression et de combativité désespérée), désossant ses bijoux pour les emmener plus aisément dans une fuite que Louis XVI refusera de prendre au final. Un passage fort, particulièrement significatif de la terreur qui s’empara de tous.
A l’inverse, les allusions récurrentes aux penchants homosexuels de la reine et sa passion amoureuse pour Mme de Polignac incarnée par une Virginie Ledoyen fort dénudée sont assez fantaisistes et loin de la réalité, pour ne pas dire très réducteurs. En ressort l’impression que le film sorti début 2012, exploite le filon de la Marie Antoinette mania générée dans le sillage du film de Sophia Coppola. Dommage car les moyens mis en œuvre, la hauteur du roman adapté, l’angle choisi étaient extrêmement prometteurs.
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Disponible en DVD et en VoD, Les Adieux à la reine mérite cependant d’être visionné car il présente un regard inattendu … qu’on complétera avec la lecture du roman, dont le style demeure incomparable.
Et plus si affinités
https://www.editionspoints.com/ouvrage/les-adieux-a-la-reine-chantal-thomas/9782020868624