Y’a des gens, faut surtout pas qu’ils se rencontrent … seuls ils sont inoffensifs, peut-être un peu barrés, mais rien de grave ; ensemble par contre, ils deviennent dangereux, pire, pertinents et ultra efficaces, pour ne pas dire géniaux dans le décalage. Dimoné, Imbert Imbert, Roland Bourdon et Nicolas Jules filaient leur petit bout de route d’artistes déjà bien talentueux lorsque leurs routes se sont percutées, lors d’un concert dédié à Bobby Lapointe. Chacun aurait pu réintégrer sa vie de musicien solitaire, tranquillement, une fois la soirée bouclée. Mais non : trop contents d’avoir trouvé des alter ego avec qui foutre le bordel, ils ont préféré enfanter l’indomptable et pétillant Bancal Chéri.
Un OVNI stylistique entre Villon, Dard, Vian et Nerval, gorgé d’énergies multiples, juteuses, touchantes, capricieuses et attachantes, aspirées aux sources du blues, des yéyés, du rock, de la pop … et de la poésie bien sûr, cet art des sons et des mots que le quatuor exalte/exulte à chaque chanson. L’album éponyme que ces quatre bandidos ont engendré porte ainsi treize morceaux ciselés comme de parfaits coups de rasoir, art singulier, des coups de tête et de cœur, des fulgurances débridées, foutraques en apparence, hypocrites petites séductrices qui pénètrent les oreilles et les cerveaux, ficelées avec rigueur quand on dépasse l’écho de la claque initiale pour en observer les structures, les audaces.
« Le droit d’être tordu ? » Pas un hasard si ces messieurs aux fortes personnalités font osmose pour chanter cette urgence de singularité sur des cadences différentes mais d’une voix égale. Tous illustrent cette ivresse de l’originalité assumée, oxygène qu’on cherche depuis toujours à éradiquer, incapables qu’ils sont de se couler dans un moule de normalité triste à en mourir. Qu’on se le dise, Bancal Chéri n’est pas, ne sera jamais un gentil petit soldat. Vomissant les us et coutumes, les échecs amoureux, les désirs mordants, la banalité d’un quotidien misérable, « L’habitude enfin », interpellant l’auditeur dés le premier morceau de cette fresque démentielle « Qu’est-ce que tu dis ? » pour finir dans la transe chamanico-sixties de « Natanae ».
Qu’on se le dise également, ces quatre zozos génialissimes n’ont pas fini de nous étonner les tympans ; à coup sûr Bancal Chéri n’est que le premier opus officiel et tonitruant d’une carrière déjà riche et qui ne va pas se terminer de sitôt. Wait and listen.
Et plus si affinités :
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