Quand il est sorti il y a quelques mois le clip a fait scandale, déclenchant les foudres des bien pensants et des effrayés de l’orgasme cru et gratuit :
Effectivement les Tartuffe de tout bord ne se remirent pas de tant de seins, de fesses et d’étreintes crûment étalées, commentées d’une voix ingénue et séductrice par une chanteuse, sourire aux lèvres et regard malicieux, qui invitait à l’exultation par le coït. Du coup, censure, version édulcorée, blablabla … et crise de rire car la vidéo épurée est encore plus suggestive que celle d’origine. Et c’est là le trait de génie : le concept The Blahblahrians avait frappé le premier coup, magistral et talentueux, d’un opéra moderne d’ampleur.
The blahblahrians, entendez les tchatcheurs, ceux qui ouvrent leur gueule tout le temps, pour un oui pour un non, qui savent, disent, vivent tout mieux que les autres, s’érigent en rebelles propres sur eux, les tchatcheurs de tout bord, … un terme valise qui englobe tout ce qui épate la galerie : ça en jette, c’est clinquant, brillant, violent, tonitruant, et ça donne à des riens vides de sens une valeur faussement métaphysique et grandiose. Bref ça ne va pas bien loin. Et c’est ce néant existentiel porté aux nues que Erotic Market s’amuse à disséquer avec son « R’N’B bruyant » un poil pop un poil noisy un poil electro, doublé d’un sens évident de la dérision et du théâtral.
Car c’est ce qui ressort de l’audition de l’album dont les morceaux sont largement à la hauteur d’un EP annonciateur aux accents de tir de barrage. Une véritable blitzkrieg menée tout en puissance et en volonté par le tandem Marine Pellegrini /Lucas Garnier, que le Printemps de Bourges canonisa Inouïs en 2013 avec un sens aigu du repérage de talent. Là pour le coup on fait le plein de virtuosité, de dextérité et d’étoffe. Et d’imagination car ce LP raconte en plusieurs tableaux ce monde des « Blahblahrians », dans des mélodies charpentées comme des compos de musique classique.
Caractère symphonique, épais, monumental du son, quelque chose de rentre dedans, direct, musclé, charnel, entre affrontement dantesque et orgie biblique, volupté mythique et combat épique, le tout sur fond de rythmique outrée comme un tambour de cérémonie, quelque chose d’une prière collective scandée par une grande prêtresse outrancière et mutine, vierge pure et gourgandine éhontée à la fois. L’effet est foudroyant, vous pouvez m’en croire, avec d’entrée de jeu « Retro retardo » et ses grandes orgues, reprises en écho par des tracks comme « Blah Blah », « It’s a breaking », « Societoy », ou le très singulier « Blue Blue » qui consacre les qualités vocales et l’art dramatique de Marine Pellegrini. Le tout se reflète dans le artwork démesuré de Nicolas Verlato, qui confère à The Blahblahrians des allures grandiloquentes de Chapelle Sixtine hip hop. Ou quand le R’N’B devient Rare’n Barock ?
Et plus si affinités