Sur son précèdent album, Loud City Song (2013), Julia Holter embarquait la Gigi de Colette à Los Angeles, dans une impressionnante évocation musicale. Un projet hors du temps, avec de vraies chansons. Une ambition, une singularité d’écriture et d’interprétation qui faisait voler en éclats les carcans de la pop. Pas de concept alambiqué ou de références savantes proclamées sur Have you in my wilderness. La volonté, sans doute, d’écrire des textes plus personnels mais aussi d’offrir des chansons pour ce qu’elles sont.
Paradoxalement, pas d’effet de surprise à l’écoute de ce quatrième album. Julia Holter passe de sa chambre au studio d’enregistrement, mais la méthode ne change guère : une attention pour le moindre arrangement ou instrument. Une approche quasi-scientifique qui finit presque toujours par happer l’auditeur quand celui-ci se croit perdu dans un dispositif complexe. De nouveaux longs formats qui donnent une seconde chance à d’anciennes chansons, revisitées, réarrangées ( «Sea calls me home » et son solo de saxophone imparable dans cette nouvelle collection). Ou encore un goût prononcé pour l’exercice de la reprise (le classique « Don’t make me over » sur un 45t paru l’année dernière). Cette relation obsessionnelle avec la musique est dangereuse car elle pourrait se transformer, au fil des disques, en routine, en marque de fabrique. Mais cette réserve d’admirateur transi semble bien mince en face de ces dix titres.
Tout commence avec « Feel you », petit trésor mélodique et addictif, où quelques notes de clavecin cachent à peine l’hommage à certaines émancipations musicales des années 80. Arrive ensuite « Silhouette », et ses cordes qui finiront par tout emporter. C’est devenu très rare aujourd’hui, mais c’est bien la folie mélodique de Scott Walker qui plane, en quatre minutes à peine, sur ce titre et qui suffirait à nous rassurer sur les talents de la chanteuse en 2015. On retrouvera cette audace sur « Everytime Boots », qui commence de façon ultra-légère pour atteindre d’autres sommets. « How long » et son ambiance pour le moins contrastée, se rapproche des territoires introspectifs de Nico.
C’est donc à notre tour de chercher des noms mythiques pour parler des disques de Julia Holter. Mais, pas de malentendu possible, il y a bien une personnalité derrière ces splendeurs. Un parcours artistique en totale liberté, avec des idées en tête persistantes. Comme sur le titre « Vasquez », peut-être le plus aventureux de cet album, une sophistication ouvertement revendiquée et maîtrisée qui séduit d’emblée ou sur la durée. Très loin de la mode et de ses sensations sans lendemain, on attend déjà fébrilement les nouvelles aventures de cette californienne surdouée qui, avec Have you in my wilderness a clairement signé son album le plus accessible.
Et plus si affinités