Il y a quelques jours, j’ai maté Last days de Gus Van Sant. Depuis, le mythique « Venus in Furs » du Velvet Undeground me bouffe la tête à répétition tandis que le cadavre de Blake/Kurt Cobain/any fuking desperate rockstar n’en finit plus de tomber de la civière des flics … Il fallait au moins l’hypnotique Malamore de The Limiñanas pour me piéger dans des filets mélodiques tout aussi dangereux.
Sirène et son triton, Marie et Lio les indomptables enfants du soleil remettent une nouvelle fois le couvert de la longue piste avec ce somptueux buffet au fumet psychédélique. Réconciliation officielle, drôle et poétique des idiomes de Shakespeare et de Molière dans les flashes colorés de l’acide. Rien d’étonnant, depuis le temps que ces Tristan et Yseult alternatifs naviguent à vue dans le paysage rock hexagonal, dont ils s’échappent régulièrement pour flirter avec la contre culture américaine, les délires à la Bukowski, l’Italie 70’s entre Scola et années de plomb, Gainsbourg, Georges Perec, les figures tutélaires punk …
Ouep ça rayonne large au rayon des influences tous azimuts. Leur univers ne s’en porte que mieux, identifiable par là même sans jamais lasser. Malamore, une fois de plus, raconte en 12 poèmes l’histoire du Décaméron à la mode Kerouac, propulsant Pétrarque à Saint Trop’ sous un soleil estival qui se fait attendre. Ou quand la beat generation se réfugie à Perpignan, passant ses vacances du LSD plein la bouche à mater les touristes griller comme des saucisses sur les plages du Sud, pour vite oublier ce spectacle navrant, s’imaginant tirer dans le tas comme Bonnie and Clyde ou L’Étranger camusien …
Ne vous récriez pas, braves gens, The Limiñanas ne sont pas des enfants de chœur, la violence fait partie de leur spectre thématique, celle du coeur justement, du geste, des attitudes, faussement tranquilles et distancées. Leur lucidité psychotrope fait un bien fou, en mots et en rythmes, même quand il s’agit de parler de passion, éternelle déception humaine. Si « Prisunic » traduit avec justesse comment la surprise de l’amour transforme les lieux de haute consommation en château de conte de fée , il conserve l’élégance du dandy sarcastique, perceptible dans l’ode « Garden of love » métamorphosée par la ligne de basse légendaire de Peter Hook, from Joy Division AND New Order, please !
Qui aujourd’hui en France peut se prévaloir de pareille collaboration, d’une seule note évoquant ces 80’s révolues, jusqu’aux larmes ? Et s’offre derrière le luxe d’un sirtakis rock, magnifique « Kostas » qui n’est pas sans fleurer bon Théodorakis, Farantouri et consort, la lutte acharnée et digne contre les colonels, l’emblématique Z de Costa Gavras ? Que dire de plus ? Écouter, encore, encore, encore, avec un sourire satisfait et un brin chauvin car , cocorico petits coqs, il revient à nos Lacenaire + Garance perpignanais d’exhumer avec la quiétude hallucinée et convaincue de sorciers vaudous le Velvet spirit pour le ranimer d’un souffle languide : « Factory ghosts, prenez-moi ».
Et plus si affinités
Amateurs de belle et bonne et glorieuse musique, rendez-vous vite sur le site de The Limiñanas pour suivre les aventures de nos modernes troubadours :