Ok, ras le bol, marre, entre les mails de l’attaché de presse et les articles qui encombrent ma timeline Facebook, j’ai craqué. Je l’ai écouté ce troisième album de The Shoes. Et je me suis pris ma fessée mélodique, comme de juste. Et j’en redemande. Et je me demande pourquoi. Pourquoi les compos du duo rémois me sont rentrées dans le cerveau à ce point, en une écoute, à me pourrir le vortex, ce « Vortex of love » qu’ils célèbrent avec une harmonie déployant ses ailes comme un aigle au sommet du monde.
L’image est aérienne et judicieuse. Car les dix tracks de cet LP ô combien inspiré se singularisent par un tourbillon d’air, un sirocco rythmique aux accents tempérés, retenus, chargés d’une grande pudeur, d’une réserve contemplative des plus calmes, lumineuse sans être aveuglante ou crue. Amateurs de sensations fortes, de grosses batteries et de rages rock, zappez. Chemicals joue la carte des mélanges doux, des demi teintes, des lueurs tamisées, de l’équilibre recherché et apprécié.
A peine si « Instead and brown » ou « Whistle » viennent nous secouer les nerfs de leurs cadences contrastées teintées de hip hop, le corps de l’album navigue de préférence dans les eaux légèrement mélancoliques d’une electro aux racines toutes de new wave. Brit pop presque sur le premier morceau « Submarine » qui évoque allez savoir pourquoi cet esprit détaché des Beatles, une élégance à peine dandy qui s’accentue sur « Lost in London » où la patte New Order s’impose au détour du refrain …
Cela n’engage que moi, mais à mon sens l’âme de l’album réside en germe dans le magnifique « Drifted », avec cette respiration essoufflée, comme si l’on courait après le train qui emporte la personne que l’on aime, que l’on a blessée d’un mot cruel, qui s’en va loin, qu’on ne veut pas laisser partir. On court, on court … soit le train s’éloigne à jamais avec cet amour avorté, soit il s’arrête et on monte dedans, soit il s’en va mais l’amour chéri estdescendu sur le quai d’en face.
Visuelle, presque organiquement cinématographique, la musique de The Shoes se nourrit des expériences vécues par le groupe dans ses collaborations, ses productions extérieures, pour distiller ce vécu très fort, ce langage des yeux, qui met en exergue des émotions diffuses, que trop souvent on tait par honte, par volonté normée de rester dans le rang, comme si exprimer son ressenti était faiblesse.
Mais il y a des fois où le ressenti est plus puissant. C’est cela que Guillaume Brière et Benjamin Lebeau explorent d’un morceau à l’autre, jouant des nuances vocales des artistes invités, entre autres Esser, Blaine Harrison des Mystery Jets, SAGE ou Black Atlass qui opèrent sur leur label Label Gum. Chemicals de ce point de vue porte parfaitement son nom, qui réévalue constamment l’alchimie mutante des sentiments.
Et plus si affinités