« J’suis lucide » … non tu crois ? Déjà, quand il agissait sous le pseudo Coup?K, Viktor n’était pas du genre à s’enfoncer la tête dans le sable. Le temps n’a guère arrangé cette propension à cracher les choses à la face du monde … la rencontre avec les Haters non plus. Confirmation avec Blackout, l’album qu’ils viennent d’enfanter dans une glorieuse et nécessaire douleur.
Mots qui claquent, beats violents, riffs de gratte bien crades, son saturé et agressif … le mot d’ordre est lancé au tournant d’un vers : « ne pas laisser le rap s’endormir comme le jazz ». Avec pour parrains trashissimes Bukowski et Despentes, le projet Viktor and the Haters s’amorce en 2017, fédérant une bande de desperados musicaux issus d’horizons torturés mais féconds : le guitariste des Hushpuppies Cyrille Sudraud, le DJ Maître Madj from Assassin, le mutant mélodique Raphaël Otchakowsky échappé entre autres de MC Monsieur et TrioSkyzoPhony …
Là on est déjà dans l’explosif. Histoire d’aggraver le pouvoir létal du cocktail, on y ajoutera Ossama, Yan Péchin, guitariste de Bashung et Miossec, JM de no Money Kids, DJ Moktarr … petit mélange en studio … déflagration assurée à l’écoute. Les dix morceaux s’enchaînent comme des coups de matraque … c’est à la mode ces temps-ci. Mais en l’état, on a une chance d’en sortir plus clairvoyant sur la colère sourde qui nous ronge tous. Car c’est de cela qu’il s’agit. Vomir la rage qu’on nous inocule à longueur de frustrations et de foutages de gueule.
L’époque s’y prête, aussi Viktors and the Haters ont de quoi hurler. Le verbe, percutant comme une grenade de désencerclement balancée à la gueule d’un gamin qu’on éborgne sans scrupule, satisfait de faire régner l’ordre … Histoire de mettre les choses au point, la ligne de synthé de « Trasher l’époque » marque le tempo d’une avalanche de paroles vengeresses. Des imprécations. « N’être qu’une main » est de la même eau lourde. A ce stade, on en est à la troisième sommation avant l’assaut. La dernière. « L’amour du zigzag » devrait sous peu se transformer en ligne droite au but.
Car de punch lines, Viktor and the Haters ne manquent guère, que chacun fera siennes au gré de ses hargnes. Blackout colle à notre époque comme une mauvaise sueur, une exsudation fiévreuse et malodorante, un liquide poisseux suintant des pores de nos consciences. Cela a un nom : l’ exaspération.
Et plus si affinités :