A quoi sert l’artiste sinon à mettre en évidence de manière flagrante les tristes réalités de ce monde auprès d’un public pas toujours à l’écoute ? Fidèle à cette conception, le designer autrichien Alper Dostal s’est emparé des chefs d’œuvre de la peinture pour les soumettre au supplice du réchauffement climatique.
Et là, c’est le drame ! Van Gogh dégouline hors de son cadre, Le Cri de Munch se dissout dans une boue de couleurs infâmes. Quand aux carreaux de couleurs bien imbriqués de Mondrian, ils se déversent sur les pieds des visiteurs comme un Niagara visqueux. Matisse, Picasso, Delacroix subissent le même sort, et l’on a un pincement au cœur quand on voit les formes étirées de Dali finir de se diluer dans cette logique aboutie de décomposition de la matière. L’image est forte : en détruisant notre habitat, notre écosystème, nous mettons en péril notre civilisation dans ce qu’elle a de plus puissant, de plus visionnaire.
L’art survivra-t-il au cataclysme que nous engendrons ? Rien n’est moins sûr. En fondant les grandes œuvres du patrimoine artistique, Dostal met en lumière l’absurdité d’une société qui prétend croître alors qu’elle se détruit, et qu’elle disloque dans le même élan ce qui fait sa grandeur, son exception. La fonte soudaine de ces piliers de la créativité humaine rappelle par ailleurs que le processus de décomposition s’emballe, qu’il est de plus en plus difficile à endiguer, et qu’à un certain moment, il sera trop tard pour faire marche arrière et replacer les couleurs sur le tableau.
Et plus si affinités