Vu les circonstances, l’effroi indigné qui nous a saisis ce mercredi 7 janvier en apprenant la nouvelle et en mesurant ses conséquences, nous avons décidé de consacrer cette avant-garde aux 44 années de couvertures de Charlie Hebdo. 44 années : le magazine nait en 1970 … ça en fait de la couv’ à raison d’une toutes les semaines. Et quelles couv’ ! Irrévérencieuses, impudiques, mais justes et sans concession, irrésistibles de drôlerie et d’audace, qui associent le coup de crayon le plus tranchant qui soit et la formule qui éclabousse, pour dessiner tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Avortement, extrême droite, conflits, totalitarisme, fanatisme, finance, drogue, délinquance, magouilles de tout poil et affaires glauques, tout le monde en prend pour son grade, dans cet esprit libertaire et ironique qui détermine la ligne satirique du journal. Et du coup en fait un outil démocratique et citoyen, qui vise constamment à sortir le citoyen de la périphérie du débat pour le ramener de gré ou de force en son coeur, comme un acteur pensant qui a le droit et le devoir d’exercer son esprit critique.
A ce jeu, la caricature devient un art, celui de l’apologue visuel qui en une image et une phrase synthétise une situation, sa problématique et son ridicule, rappelant au lecteur à quel point nos dirigeants, qu’ils soient politiques, économiques ou religieux, peuvent se foutre de notre gueule si nous ne les surveillons pas du coin de l’oeil. Et Wolinski, Reiser, Cabu, Charb, Tignous, Honoré pour ne citer qu’eux parmi tous les autres, ont su très bien s’y prendre en matière de vigilance, nous mettant plus d’une fois en garde contre les dérives multiples que nous contemplons d’un œil trop souvent amorphe et défaitiste.
Aujourd’hui plusieurs d’entre eux ne sont plus, mais leurs dessins et leur talent demeurent. A nous de nous en souvenir, de les regarder, de les diffuser et de les commenter : c’est désormais devenu notre patrimoine à tous.
Et plus si affinités